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fleurs de bronze délicatement ciselées, elle apparaissait ainsi qu’une figure du temps passé, irréelle, lointaine, surnaturelle.

Ensuite ils se promenèrent sous les grands ombrages, s’émurent à propos devant ces décors d’opéra-comique : la maison de la reine, la laiterie, le corps de garde et la tour de Marlborough, vieux jouets que la suite a rendus tragiques.

Le soir, ils décidèrent d’aller dîner à Saint-Cloud, au restaurant de la Porte-Verte. Tout en terrasse avec ses petites tables alignées, éclairées de grosses lanternes de couleur, il ressemblait à quelque enluminure japonaise. Louise s’amusa du bruit, de l’impatience de tous ces dîneurs mal servis et se dépensant en vaines paroles et en colères impuissantes.

Ils rentrèrent : la nuit s’était parée de ses voiles les plus rares, avait mis toutes ses escarboucles ; à leur côté, la Seine traînait sur ses flots le filet d’argent de quelque pêche enchantée.

Ils allaient bientôt se quitter ; Fernand serrait Louise contre lui, disant :

— Ma chérie, je voudrais un mot que je pourrais emporter comme un souvenir de toi et qui me rassure. Tu es trop belle : j’ai peur.

— Vous avez été très bon pour moi, — répondit Louise, — et vous pouvez avoir confiance, je vous le promets.

Ils arrivaient. Devant la porte, une dernière fois, lèvres contre lèvres, il la tint dans ses bras. Puis il dit :

— Je ne te verrai pas demain : c’est jour de liquidation. Mais après-demain je viendrai et nous causerons.

Félicité ouvrit la porte elle-même. Elles s’embrassèrent.

— Comment vas-tu, petite ?

Mais tout de suite elle comprit qu’elle ne saurait rien : Louise avait son front obstiné de Bretonne, et la tête baissée, elle dit :

— Je suis heureuse d’avoir vu Versailles ; comme c’est beau !


IX


Fernand Epstein occupait, rue d’Anjou, un entresol qu’il avait meublé avec plus de soin et de recherche qu’il n’en prêtait