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sonne n’avait su voir. Et puis, ayant l’instinct de son charme et de sa puissance, elle devait forcément être tentée de s’en servir, et ne pouvait se résigner à déplaire. En la comparant à ses deux nièces, il méconnaissait qu’autour d’une fille comme Louise flottaient mille tentations qui n’assaillaient pas les demoiselles Toussard…

Ce fut le lendemain matin qu’elle sonna d’un petit coup timide chez M. Toussard. Elle avait très peur et il lui semblait que c’était le battement de son propre cœur qui retentissait dans l’appel du timbre. Même elle n’avait rien dit à Félicité pour ne pas user à l’avance son courage.

Le domestique la laissa entrer sans l’annoncer, de sorte qu’elle frappa — combien craintivement encore ! — à la porte du cabinet :

— Entrez ! — fit Toussard, sans méfiance.

Quand il vit Louise, il eut le sentiment qu’elle était devenue tout à coup très lointaine, et comme étrangère, et il ne lui parla pas. Puis, l’ayant considérée quelques instants, il dit :

— Je vous regarde, et je cherche à raccorder ce que je pensais de vous et ce que j’en sais maintenant.

Devant cet accueil glacial, Louise perdit toute contenance et se mit à sangloter dans son petit mouchoir. Des frissons secouaient sa nuque et soulevaient son joli buste sous son clair corsage d’été.

Alors Toussard ajouta :

— Pourquoi vous désolez-vous ? Vous avez fait ce qui vous convenait et je ne pense pas que mon blâme puisse vous importer beaucoup.

À ces mots, Louise découvrit son visage tout inondé de larmes et s’écria :

— Ah ! monsieur Toussard, que vous êtes injuste et cruel pour moi ! Je ne me consolerai jamais si vous ne me pardonnez pas.

— Mais, petite malheureuse, — reprit Toussard d’une voix plus douce, — si je vous en veux, c’est que, vous ayant porté beaucoup d’intérêt, je m’afflige de la conduite que vous avez tenue, et que j’étais si loin d’attendre de vous ! Quand je suis parti, il y a six semaines, il n’était pas question de ce jeune homme. Qu’a-t-il donc fait pour vous séduire si vite et si complètement ?