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et qu’un habile décorateur s’occupait à orner somptueusement, il souhaitait, en quelque soir de première, en quelque claire après-midi de courses, et dans l’éclat d’un luxe digne de sa beauté, la montrer, elle aussi, au tout-Paris émerveillé.

Louise vit bien qu’il était mécontent et déçu. En vain se fit-elle caressante et douce, et même flatteuse : il resta morne et mélancolique. Il s’irritait qu’elle se refusât à être l’ornement suprême et délicieux de son opulence, la nymphe charmante dominant de sa grâce les vasques dorées et les fontaines par lesquelles s’écoulait l’abondance de sa fortune.

Ils se quittèrent pour quelques jours : Fernand allait chasser. Il aimait les plaisirs fastueux, et la chasse à courre, avec ses livrées, ses équipages, ses meutes, tout son train coûteux, lui semblait un divertissement seigneurial. Depuis longtemps aussi il rêvait d’une écurie de courses : il avait le goût des chevaux dans le sang, et puis ce jeu du turf n’était-il pas le plus distingué des jeux de hasard ?

Ce rêve, il allait, sans doute, le réaliser bientôt. Ses affaires prospéraient merveilleusement. Chaque jour, en gravissant l’escalier de ce temple corinthien d’où tant de cris, de vœux, de colères montent vers le toit vitré au-dessus duquel luit un ciel changeant, il avait maintenant le pied ferme et l’âme allègre.

Dans cet air surchauffé, dans ces frémissements et cette houle, parmi le bourdonnement de ces chiffres jetés, relevés, renvoyés comme par des centaines de raquettes, chiffres s’enflant, grandissant, allant aux nues, ou vacillant, faiblissant, tombant à terre comme des loques, il devenait le grand joueur impassible et sûr.

Le reflet du succès était sur son front, courbant devant lui les autres fronts moins heureux, moins triomphants. Et cette petite fille qui lui résistait l’emplissait de courroux…

Quand ils se revirent, il lui demanda avec quelque amertume si du moins elle lui permettrait de la conduire au théâtre. Il fut convenu qu’il l’emmènerait le lendemain à une première « très parisienne », — ce qui signifiait que les places étaient fortement majorées dans les agences : — il loua une baignoire, et Louise s’y rendit avec Félicité.

Elle était habillée simplement d’un corsage blanc orné de quelques roses que lui avait envoyées Fernand.