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— Ah ! oui, — fit Louise, — j’avais rendez-vous avec M. Toussard : il voulait me montrer des gouaches de Huet qu’il a d’ailleurs achetées.


XI


Cependant l’hiver était revenu, de son pas dur et sec, et, sur les boulevards, les arbres montraient sous l’âpre vent la tristesse de leurs branches nues, haut dressées comme des bras éplorés. La terre aussi ne portait plus que des fleurs de givre, de fines argentures que la bise avait ciselées toute la nuit. Au soir, dans la rue pâle, les becs de gaz paraissaient de grands cierges hâtivement allumés, tandis que le jour se mourait dans le ciel.

En décembre, l’horizon se chargea de nuages épais et cuivrés.

— Pourvu qu’il ne neige pas le jour de ma noce ! — dit Éliane à Louise. — Ce serait bien malheureux, à cause de la promenade au bois de Boulogne.

Et, justement, il neigea en ce jour de décembre, choisi sans prévoyance et sans méfiance, au temps lointain déjà de la douceur de septembre. Dès le matin, le ciel était en coton et bientôt les flocons se mirent à descendre, rapides, serrés, duveteux, et s’étendirent en nappes, en manteaux éblouissants, sur les toits et les jardins de Paris. On eût dit que quelque prodigieux décorateur, quelque entrepreneur de fêtes, grandiose et magnifique, avait imaginé de jeter sur la ville une parure nuptiale, afin que, tout entière, elle célébrât le mariage de la petite Éliane. Les arbres s’ornaient de fines membrures blanches et les buissons d’hiver, fusains et lauriers-tins, avaient l’air de bouquets blancs posés sur le passage du cortège.

Vers dix heures, on vint chercher Louise. Le landau paraissait de feutre blanc, et la neige qui tombait toujours avait empanaché les lanternes et harnaché d’argent les chevaux, donnant à cette noce quelque chose de fantastique, d’irréel et de plaisant.

Dans la voiture, Louise trouva Irène et deux jeunes peintres amis de Poncelet. Quoique les cavaliers ne connussent pas leurs dames, on causa tout de suite, et l’on s’amusa de ce paysage qui avait l’air d’une politesse un peu féerique.