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— Croîriez-vous — dit Irène — qu’hier au magasin on se demandait si Éliane se mettrait en blanc pour son mariage ? « Avec cela qu’elle se gênera, la pauvre petite ! — ai-je dit à ces méchantes bêtes, — et elle aura bien raison. Éliane est une fille très comme il faut, et si… »

Elle se tut, songeant aux deux amis de Poncelet qui étaient là, puis reprit :

— D’ailleurs, au besoin, le ciel se chargeait de l’habiller.

À ce moment, le landau s’arrêta devant une grande épicerie de l’avenue de Neuilly.

Le magasin de monsieur et madame Simonneau faisait très bonne figure en temps ordinaire, alors que son étalage abondant envahissait le trottoir, offrant tous les produits de la saison. Mais, en ce jour de gala, fermé pour cause de mariage, il n’était plus qu’une sorte de salle d’attente, où les invitée, déjà réunis par couples, se disposaient à monter en voiture.

En entrant, Louise dit à Irène :

— Figurez-vous que je n’ai jamais vu Poncelet ! Chaque jour, au magasin, Éliane m’annonçait qu’il viendrait la prendre, et je ne le connais pas encore.

Elle allait le connaître.

Sous sa guirlande de fleurs d’oranger, œuvre de la grande maison de modes, légèrement posée parmi le tulle flottant du voile, avec sa tournure fine, menue, presque enfantine, Éliane était tout à fait gentille.

Quant à Poncelet, il avait réalisé le problème difficile de ne pas avoir l’air d’être le marié, mais plutôt quelque invité gai et insouciant, pas même un garçon d’honneur. Éliane le présenta, émue et très fière.

Et dans cette boutique aux innombrables bocaux, aux boîtes de conserves proprement rangées, parmi les odeurs d’épices, de café, de thé, une société singulière et disparate se trouva groupée. Quatre jeunes filles, représentant le magasin de la rue de la Paix, se distinguaient, par la sûreté et la simplicité élégante de leur mise, des dames de Neuilly, ingénument tapageuses. Solennel et digne, le petit commerce regardait de côté les artistes sans plus se mêler à eux que le lac de Genève au Rhône alors que celui-ci le traverse. Et, tandis que M. Jules Bérard, professeur et témoin de Poncelet, apportait à la