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cérémonie l’éclat flatteur de sa rosette d’officier, les deux premiers garçons de l’épicerie, très confus et gênés, se tenaient modestement à l’écart.

Saint-Pierre-de-Neuilly se montra gracieusement orné de plantes vertes, et, quand le cortège entra dans la nef déjà pleine, l’orgue entonna le prélude de Bach. Et la petite Éliane eut ses chants, et ses prières, et ses bénédictions, et son discours, et devint madame Poncelet au regard de Dieu et des anges et de la société.

Le repas était commandé pour une heure. Mais après la messe il y eut le défilé à la sacristie et ce fut avec quelque retard que la noce arriva au restaurant Carlet, situé à la porte du Bois.

La neige, qui ne tombait plus, couvrait la terre, restait attachée aux branches des arbres, formant des girandoles, des cristaux, des aigrettes, qu’un pâle soleil faisait reluire et étinceler. Et au loin on voyait, on devinait toute une forêt blanche, virginale, lunaire.

La table était dressée dans le grand salon du haut, une longue table de cinquante couverts, d’un arrangement agréable et distingué. La disposition avait permis de ménager quatre places d’honneur : monsieur et madame Simonneau occupaient les deux bouts, et les mariés, en face l’un de l’autre, étaient au centre. Éliane avait auprès d’elle M. Bérard et le premier adjoint de Neuilly, et Poncelet avait pris les deux demoiselles d’honneur.

Les débuts du repas furent un peu mornes : le potage n’incite pas à la conversation, ayant le double tort d’être trop chaud et de se répandre. Mais dès le poisson on s’anima. Les avances venues des artistes furent accueillies et bientôt tout le monde fraternisa ; une bienveillance émue régna dans la salle claire, unissant d’une commune sympathie tous ces gens destinés à ne jamais se revoir. Et lorsque, après les entrées, rôtis, pâtés, parut enfin la glace, magnifique pièce montée, ornée de fleurs, de colombes, de nœuds entrelacés en sucre filé, et surmontée d’un Amour qui lançait une flèche, l’enthousiasme fut à son comble. La chaleur des vins attendrissait les cœurs ; des propos gais, un peu lestes, s’échangeaient, au milieu desquels les demoiselles de modes, habituées à souper avec délicatesse, gardaient beaucoup de réserve et de correction.