Page:Revue de Paris - 1908 - tome 2.djvu/744

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’étant précipitée, ramena madame Danflou et M. Simoneau ; tous deux soufflaient beaucoup.

L’accoucheuse était une femme haute, forte et ventrue, avec des yeux vifs luisant sur une face plate, mais ses mains étaient petites, fines, et paraissaient agiles. Elle approcha du lit où gisait la malade, et, glissant son bras sous la couverture, elle la palpa. Ça allait au mieux, l’enfant se présentait bien, tout serait fini d’ici quelques heures. Il ne fallait pas, ajouta-t-elle « rester tant de monde dans la chambre : ça énervait la patiente… » Elle ne garda que madame Simoneau.

Louise se retira dans l’atelier, que le gaz éclairait de grandes lueurs inégales, et, par moments, à cause du drame banal et poignant qui se déroulait dans la pièce voisine, ces lueurs devenaient tragiques. L’attention et l’oreille tendues vers les rumeurs de la chambre, elle se tenait immobile. La bonne passait, chargée d’objets divers que madame Danflou réclamait, bouillottes et cuvettes ; — plus, une toute petite baignoire en fer-blanc, qu’elle vint placer près du poêle de l’atelier.

Un nouveau coup de sonnette se fit entendre : Louise alla ouvrir et se trouva en face de Poncelet. Elle ne l’avait jamais rencontré depuis ce déjeuner de noces où il l’avait tant indignée. Mais ce souvenir maintenant lui semblait bien lointain et bien puéril.

— L’accoucheuse est là, — dit-elle ; — elle nous a tout à fait rassurés.

Poncelet expliqua qu’on l’avait envoyé dans Passy à la recherche de madame Danflou et qu’il s’y était égaré.

Louise descendit auprès de la concierge, la pria d’avertir Félicité. Quand elle remonta, Poncelet arpentait son atelier en montrant un souci et un chagrin véritables. Des cris aigus et de plus en plus déchirants s’élevaient de minute en minute.

— Pauvre enfant ! — dit-il, — cela fend le cœur. Je ne vaux ni plus ni moins qu’un autre, mais en ce moment, je me sens un misérable d’être responsable de pareilles souffrances.

Et, parlant ainsi, il était sincère.

Il y eut une heure d’accalmie. La malade s’était assoupie, et ce répit allait lui rendre quelque force… Le travail recommença. Éliane paraissait maintenant accablée, ne criait plus que faiblement. Grâce à l’éther, on avait amorti ses douleurs.