Page:Revue de Paris - 1908 - tome 2.djvu/765

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Poncelet était bucolique et champêtre : un berger de Théocrite voisinait dans son âme avec un commis de magasin. Il aimait les repas sur l’herbe, les bosquets et les charmilles, et il avait tenté, en ce soir d’hiver, de transformer son atelier en bocage. Il n’y manquait, disait-il, que les petits oiseaux. Les murs et le plafond étaient tapissés de branchages de sapins, de feuilles de lauriers, et des guirlandes suspendues au-dessus de la table se rattachaient à un mai où brillaient les baies rouges du houx.

Et, parmi toutes ces verdures, on avait mangé une dinde aux truffes, et chanté des couplets bachiques dont le refrain était entonné en chœur. Après, on s’était mis à danser. Un piano avait été loué pour la circonstance… Alors que la gaieté battait son plein, Louise s’esquiva : elle voulait éviter le tapage d’un départ plus tardif et tumultueux dans la rue en fête, et les empressements et les galanteries et les lazzi de goût « artiste ».

Dans son petit salon, elle trouva Félicité qui, rentrée depuis peu d’instants, elle aussi, se tenait, une lampe à la main, devant un tableau posé sur le divan.

— Vois ce qu’il t’a envoyé, — dit-elle, entendant venir sa nièce ; — c’est une merveille !

Un mot accompagnait l’envoi. Louise le lut d’abord :

Ma belle Louise, voici vos étrennes. Ce pastel est de Roslin. J’espère qu’il vous plaira. Cette dame m’a semblé jolie, mais aucune ne l’est autant que celle qui paraît dans votre miroir.

Votre vieil ami,

jacques lenoël

Le pastel, qui était encore dans son cadre ancien, figurait une femme, grande dame ou comédienne, poudrée, coiffée de plumes et de perles, et habillée d’une robe à l’antique.

— Je l’ai montré à monsieur Toussard, — ajouta Félicité ; — il a dit que c’est une très belle chose et d’un prix considérable.

Dans le silence de la nuit, la pendule sonna trois heures… L’année nouvelle n’avait que trois heures encore, mais le mystère lui faisait une ombre démesurée.

— Mignonne, — dit Félicité en embrassant sa nièce, — je te la souhaite bonne et heureuse.