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De tant de vœux formulés en cette nuit, où la conciliation grégorienne du calendrier et du cours des astres crée une date auguste et sidérale, combien retomberaient à terre, seraient foulés, emportés, — pareils à ces confetti joyeusement lancés, puis balayés avec la boue, à l’aube du mercredi des cendres !…

Le Ier janvier, Louise, dès le matin, alla remercier son ami. Elle le gronderait, en même temps, de lui avoir fait un aussi somptueux cadeau.

Mais elle le gronda doucement, car il l’avait prise par son faible : Louise adorait la peinture et la décoration. Ce goût lui venait de Toussard, lequel était grand connaisseur ; c’était, d’ailleurs, le seul goût luxueux de la jeune fille. Pour tout le reste, elle persévérait en sa même simplicité, se jugeant toujours assez élégante et parée. Sauf le collier de perles qu’elle avait conservé en souvenir du mort, elle s’était défait de tous ses bijoux, sans les avoir jamais portés.

Elle subvenait entièrement aux besoins de sa famille. Son père, quoique jeune encore, atteint de douleurs, souffrant de fièvre, ne travaillait quasi plus. Et, comme la maisonnette du bord de l’eau se lézardait, rongée par l’humidité de la rivière toute proche, elle voulut la faire réparer et agrandir.

Ce qui la troublait, ce n’était pas le désir d’être riche, enviée ; c’était la pensée qu’elle était si jeune, tellement plus jeune que son ami !… Pour se rassurer, elle faisait des calculs, se disant qu’il pourrait la garder bien des années encore, peut-être dix, et même davantage… Et alors elle aussi serait vieille : elle aurait plus de trente ans !.

La statuette de cire venait d’être achevée. De fines arabesques bordaient son péplum et sa tunique, et une légère patine dont elle avait été enduite la faisait remonter à un lointain passé. Quand elle fut logée dans une vitrine, Lenoël dit :

— Celle-ci est pour moi seul, elle restera mon chef-d’œuvre inconnu.

Il avait cessé d’attirer Louise le dimanche matin, depuis que Robert avait avoué qu’il lui était pénible de se rencontrer avec elle. Mais quelquefois il invitait la jeune fille à venir le soir, pendant qu’il travaillait. Dans le grand cabinet silencieux, elle s’asseyait tout près de lui, sur une chaise basse, et, de temps en temps, il glissait les doigts dans ses cheveux d’or.