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chambre claire, tendue de cretonne à fleurs, avait un air vieillot. Dans son lit, une longue natte blonde lui coulant sur le dos, Louise avait presque l’air d’une enfant.

— Qu’y a-t-il, ma petite fille ? — dit-il en lui prenant les deux mains, qu’il baisa.

Toute à la joie de le revoir, elle répondit que ce n’était rien, un mal de gorge sans gravité ; mais le médecin, de peur d’une angine, conseillait des soins et de la prudence.

Lenoël s’assit à son chevet :

— Que vous êtes jeune, ma pauvre enfant ! on vous donnerait tout juste quinze ans.

Alors, lui aussi, il la plaignait d’être si jeune !

Il ajouta :

— J’ai laissé dans ma voiture un cadeau que je vous rapporte : voulez-vous le faire chercher ?

Quand Rosalie revint avec un panier, un court jappement s’en échappa, et Lenoël, ayant écarté le foulard qui le couvrait, saisit entre ses doigts une boule de soie floconneuse, couleur chamois doré.

— C’est une petite chienne, — dit-il ; — elle est de la race des griffons d’Écosse et s’appelle Fairy.

Et il la posa sur le lit.

Fairy se déroula, s’agita, montrant sa tête, ses quatre pattes, et dressant une mignonne queue. Ses longs poils fins pendaient autour d’elle comme une frange, la coiffaient drôlement de leurs touffes, lui cachant à demi les yeux. Et ces yeux, qui luisaient à travers les mèches ébouriffées, étaient brun foncé, très grands, étrangement pathétiques. Ils jetaient sur le monde un profond regard où s’attestait la mélancolie d’une âme pensive. Et, cambrée sur ses jarrets, le col levé, le museau frémissant, la petite bête poussa un aboiement éperdu et sonore qui, parti du fond de sa gorge, devait retentir, peut-être jusqu’en cette Écosse d’où elle était issue…

Par les beaux jours revenus, Louise et Lenoël retournèrent souvent à Villeneuve. Plusieurs fois, ils s’y attardèrent du samedi au lundi. D’épais feuillages maintenant assombrissaient les allées, et sur les églantiers d’innombrables roses chantaient la gloire de l’été. Les fantômes semblaient enfuis, disparus dans la lumière.