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Un soir, tous deux étaient restés longtemps sur cette terrasse du jardin que décoraient deux statues champêtres et moussues. Elle s’était sentie comme mêlée aux lueurs de la nuit, aux parfums de la terre, à l’air mobile. Les cigales chantaient. Une étoile vacilla, raya l’azur, puis coula dans l’abîme du ciel.

— On assure — dit Lenoël — que les vœux formés tandis qu’une étoile file se réalisent. Que désires-tu, ma bien-aimée ?

— L’impossible, — fit-elle ; — je voudrais que le temps s’arrêtât.

D’autres étoiles, des pluies d’étoiles chancelèrent, à leur tour s’en allèrent, comme de vains souhaits, se perdre dans l’infini…

Lorsque vint juillet, lorsque approchèrent les vacances, — qui, cette année, les obligeaient à se quitter pour de longues semaines, — Louise en éprouva un chagrin cruel. D’âme inquiète et constante, elle avait trouvé en Jacques l’abri sûr et délicieux, l’amitié protectrice où se glissait le goût subtil et aigu qu’il avait d’elle. De son temps, de lui-même, il donnait tout ce qu’il pouvait ; mais tant de devoirs le réclamaient ! Cet homme, qui passait pour adonné au plaisir, était écrasé de besogne et ne s’y dérobait point. Chargé d’une mission en Égypte et en Asie Mineure, il partirait bientôt, et ce voyage, quasi officiel, dont les journaux noteraient les étapes, les séparait forcément.

Louise s’attristait aussi de la santé de son père, de plus en plus atteinte. Lui, si beau, si fort jadis, s’était voûté, s’aidait d’une canne dans sa marche devenue incertaine comme celle d’un vieillard. Une saison aux eaux de Dax lui était conseillée : elle s’offrit à l’y accompagner.

Au mois d’août, désolée et confiante, sûre de lui, elle dit adieu à son ami. La légende du volage Lenoël la faisait maintenant sourire, mais ne plus le voir était déjà un chagrin assez cuisant.

Elle partit, à son tour, pour rejoindre les siens, sa petite chienne Fairy serrée contre elle. Toutes deux avaient lié une grande amitié. Louise était douce, Fairy était violente et passionnée : elles s’entendaient à merveille. Quand Louise était songeuse et distraite, Fairy, bondissait jusque dans ses bras en poussant des aboiements qui étaient sans doute des mots d’amour et de colère. Fairy, avec ses yeux graves et sa coiffure ébouriffée, figurait à la fois la sagesse et la frivolité