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humaines. Et, quand le train les emporta toutes deux, Louise, sentant contre elle le petit cœur palpitant, enfouit son visage dans les longs poils soyeux et y mit toutes ses larmes. Alors l’humble bête, comme pénétrée de cette douleur, agita ses membres menus et lécha avec ardeur les mains qui la tenaient. Dans sa tête minime, ridicule et délicieuse, l’idée de la souffrance et de la sympathie avait jailli.


XXV


Louise passa six semaines à Dax avec son père. Quand elle le ramena à Port-Saint-Pierre, il avait un air de santé et de vigueur dont la famille se réjouit. Et, laissant tout le monde heureux, elle rentra à Paris vers la mi-septembre.

Jacques Lenoël ne revint qu’en octobre.

Ils eurent en se retrouvant une joie profonde et très simple. Cette petite fille n’était plus seulement pour lui le rare et délicat plaisir des sens ; c’était une âme caressante et fine, reposante et fraîche, comme un jardin. Et, vraiment, auprès d’elle, il ne songeait à nulle autre.

Peu à peu ils avaient pris ensemble des habitudes, s’en allaient discrètement au théâtre ou chez les marchands d’antiquités.

Félicité s’émerveillait de cette fidélité et disait à Louise :

— Tu peux être fière d’avoir fixé cet inconstant !

Et madame Block regardait sa vendeuse avec admiration et envie.

Or il advint que dans le tumulte d’une après-midi de décembre, alors que l’encombrement est tel que les voitures ont peine à se ranger le long des trottoirs, on vit entrer au magasin de modes Mrs. Bartlett, cette Américaine dont la beauté avait fait sensation lors de son arrivée à Paris. Grande, éclatante, la chevelure teinte au henné, les yeux sombres et pleins de feu, on eût dit que cette créature de luxe s’avançait dans le poudroiement de sa richesse. Sa toilette somptueuse, sobre cependant et de haut goût, révélait dans ses moindres détails l’art consommé et follement coûteux de la rue de la Paix. Mais, sous le ruissellement de ses perles et l’éblouissement de ses pierreries, sous la perfection savante de son ajus-