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Paul répondit sur-le-champ avec sa brièveté spartiate :

— Julien César n’a-t-il pas écrit, depuis, la Satire des Césars ? [1]

— J’entends, — reprit Libanius, — tu penses que la sagesse philosophique des écrits qu’il a jetés depuis au milieu des combats est supérieure aux chants religieux et aux poèmes qu’il écrivait dans la solitude de Macella : ce serait à examiner ; mais je t’en parle seulement parce que je crois que Julien t’a rendu compte des plus secrets mouvements de son âme, tandis qu’il ne paraissait à nos yeux que par éclairs bien rares, et que ses lettres courtes ne m’ont jamais appris que des résultats et non des causes. Tu vois que ce n’est qu’en sa présence que je te prie de le trahir, et seulement après qu’il te l’aura permis.

Julien était appuyé sur le coude et, le menton sur sa main, écoutait attentivement. Il sourit et fit à Paul un signe de consentement : toutefois son regard était triste et découragé.

Paul de Larisse parut quelque peu étonné de ce commencement qui semblait presque frivole, mais, connaissant trop notre maître pour ne pas deviner qu’il était sur un chemin difficile, il répondit :

— Un jour, Julien me dit de l’aider à brûler tous les poèmes qu’il avait écrits. Il me les lut. Ils étaient beaux, mais il les brûla.

Libanius, se tournant alors vers Julien :

— N’étais-tu pas quelque peu affligé, — lui dit-il, — des satires d’Alexandrie ou d’Antioche ?

— Je pensai, — dit Julien, — que c’était le rôle d’une femme de chercher à plaire aux hommes, que c’était une faiblesse que de se surprendre à frémir de leur avoir déplu ou à se réjouir d’en avoir été admiré, et que c’était là obéir et non commander.

Mais vraiment, — reprit Libanius, — ne penses-tu pas que le but d’un orateur et d’un philosophe est aussi de séduire les esprits ? Les fleurs de ses discours ne sont-elles pas destinées à engourdir la raison avec leurs parfums ?

  1. C’est une satire à la manière de Lucien. On y voit les empereurs qui avaient occupé le trône avant Julien, comparaissant devant les dieux de l’Olympe pour disputer une place vacante dans le ciel. Silène joue le rôle de juge. Marc-Aurèle remporte la victoire.