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Page:Revue de Paris - 1913 - tome 5.djvu/600

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LA REVUE DE PARIS

blés verdissaient jusqu’à l’horizon, au printemps ; en été, ils étaient jaunes comme de l’or vif ; et en automne, des feux brûlaient le long des maïs, et les gars et les filles chantaient.

Jella se rappela l’air triste qui résonnait si étrangement dans la forêt.

« Ils chantent ainsi, là-bas », pensa-t-elle.

Et elle ferma les yeux pour mieux entendre la voix d’André. Puis elle eut un sourire incrédule. Elle ne pouvait comprendre que là-bas, très loin, les puits fussent aussi hauts qu’un sapin, et qu’on pût apercevoir, à une journée de marche, le clocher des églises.

Elle se rapprocha du feu, sans le vouloir.

— Alors, par là-bas, chez vous, les clochers sont plus hauts que les montagnes ?

Le gars releva fièrement la tête :

— Il n’y a pas, chez nous, de montagnes. La terre est là-bas, plate comme ma main…

L’étonnement s’assombrit sur le visage de Jella. Elle se redressa subitement. Sa voix devint dure :

— Tu es donc venu de la Puszta ?

Le regard de Pierre s’attarda sur la bouche de la femme. Il l’avait vue ainsi, lorsqu’elle s’était réfugiée de la forêt chez lui, pour la première fois. Pourquoi se fâchait-elle ? Il ne pouvait le comprendre. Il saisit son chapeau avec mauvaise humeur. Il sortit sur la porte, de même que l’on sort de la forêt agitée par l’orage sous le ciel libre.

— Tu es donc venu de la Puszta ?

L’ouragan sauvage des montagnes s’amoncelait dans les yeux de Jella ; le grand, l’incommensurable calme des plaines demeurait muet sur les lèvres du jeune homme. Et leurs regards se rencontrèrent un instant au-dessus de la flamme.



XXI


Alors les montagnes n’appelèrent plus Jella. Elle les voyait effacées, comme retirées de sa vie. Les deux maisons de garde se rapprochèrent. Jella accomplissait ponctuellement le