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LES TRIOMPHES DE PETRARQUE DANS L'ART REPRÉSENTATIF 93 filles, et d'autres personnes vont à la promenade, cueillent des fruits, jouent de la musique. L'auteur a voulu montrer, pour parler comme.Jacques Passavant, comment l'homme, « par le charme d'une vaine volupté..., sans retour se brise et se détruit. Mais, ajoutait, le frère, un refuge fut réservé par la miséricorde divine..., et ce refuge, c'est la pénitence ». Et voici, à la suite, comme au terme de ces scènes voluptueuses, le tribunal de la péni- tence, le pécheur purifié de ses péchés. Régénérées par la grâce, les âmes, guidées par saint Dominique, arrivent au ciel. Près de la porte se tient la troupe des saints, les yeux levés vers la majesté du Rédempteur ; Marie vers lui s'avance avec un lis, en signe du péché originel dont elle a été préservée. Et le Rédempteur ouvre les bras, le livre de la Loi à sa droite, dans sa main gauche les deux clefs qui rappellent le pouvoir suprême qui est en lui d'ouvrir et de fermer avec les clefs de la vie éternelle : «  C'est le Dieu de miséricorde, comme l'appelle Jacques Passavant, qui ne veut ni la perte, ni la transformation du pécheur, mais sa justification par le sacrement de la pénitence ». Ces fresques ne furent pas connues de Pétrarque : elles furent com- mencées en l'année 1350, pendant laquelle le poète n'était pas à Florence; d'ailleurs, quand même illes aurait vues, elles n'auraientnullement contribué à ses inventions. Le cycle des peintures de la chapelle des Espagnols, à Sainte-Marie-Nouvelle, inspiré probablementpar Jacques Passavant, conçu certainement dans les murs de ce couvent, ne nous donne qu'une seule indication, à savoir que l'art italien, sorti du cercle étroit du moyen âge, savait exprimer les concepts les plus ardus. A Sienne la représentation du Gouvernement, à Assise l'exposé des Vertus franciscaines, à Florence la Somme de saint Thomas d'Aquin, et le Miroir de la Pénitence de Jacques Passavant. Il est inutile de rappeler, avec Mûntz, que ces représenta- tions précèdent les Triomphes de Pétrarque, ce serait dire que la terre donnait des fleurs avant que les fleurs ne fussent écloses dans le jardin du poète : ce serait remarquer qu'au printemps de l'art du Trecento les oiseaux chantaient avant qu'ils ne se fussent fait entendre dans la petite maison du poète, sur les collines Euganéennes. ADOLFO VENTURI (Traduit par C. -G. PICAVET.) (A suivre.)