Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

380 LA REVUE DE L'ART Cependant, le musée de Badajoz mérite qu'on le visite, car il possède un véritable trésor : ce sont trois armes de fer et de bronze à poignées d'argent, qui portent à l'inventaire les numéros 28, 29 et 30 de la série gréco-romaine, bien que le rédacteur ait dit à leur propos : «  Quelques personnes compétentes en matière archéologique ont jugé vraisemblable que ces trois armes, qui étaient certainement destinées aux sacrifices religieux, sont d'origine phénicienne ou carthaginoise ». On verra plus loin ce qu'il faut penser de cette opinion. Quoi qu'il en soit, il m'a paru que ces objets étaient dignes de la Revue de l'art ancien et moderne. Lorsque M. Romero de Castilla voulut bien m'introduire lui-même au musée, je fus vivement surpris de leur extrême beauté, j'en admirai la richesse et l'élégance, et aussitôt se posèrent à mon esprit tous les problèmes qu'ils soulèvent, et que je voudrais ici essayer de résoudre. Les trois armes, que leur valeur avait sans doute exposées à quelques convoi- tises, étaient accrochées à l'intérieur d'une vitrine et tenues captives au moyen de solides pitons reliés par des cadenas. Il était impossible de les examiner de près et de les photographier dans cette position ; mais, après de longues recherches, on retrouva les clefs des cadenas, et je pus, à mon aise, prendre des noies et des clichés. Voici, telle que me l'a racontée D. Tomàs Romero de Castilla, l'histoire, un peu vague par malheur, des armes de Badajoz. En 1867, des brocanteurs, passant par Badajoz, voulurent y vendre ces objets avec quelques autres, par exemple un grand éperon et un petit plat arabe '. Ils les offrirent à la Commission des Monuments qui, n'ayant pas d'argent, les refusa. Les brocanteurs franchirent alors la frontière pro- chaine, pour voir s'ils seraient plus heureux en Portugal ; mais leur mauvaise fortune fit que dans je ne sais quelle ville, ni à quel propos, ils se trouvèrent pris au milieu d'une émeute ; on leur confisqua leurs armes, qu'ils avaient sous le bras, et ils furent conduits en prison. Après un an de captivité, on relâcha les pauvres diables, et on leur rendit leur trésor, ce qui est bien invraisemblable.Us revinrent à Badajoz. où. à bout de ressources, ils cédèrent le tout pour la somme de deux mille réaux. Questionnés sur la provenance de ces joyaux, ils prétendirent qu'ils avaient été achetés à Llerena, ville de la province de Badajoz, par un de leurs camarades qui était mort. Ils ajoutaient qu'ils avaient appartenu aux Inquisiteurs. M. de Castilla, dans son Invenlario du musée, rappelle seulement quelques-uns de ces dires ; il n'a pas fait assez de cas des autres pour en imprimer le détail. D'ailleurs, de tout cela, la seule chose précise que nous ayons intérêt à nous rappeler, c'est la date de l'acquisition, 1868. je dirai tout à l'heure pourquoi. Une fois entrées au musée, les armes y restèrent fort obscures. On les tira de leur vitrine à l'occasion de l'Exposition de Madrid, où elles figurèrentje ne sais dans quelle section. Sans doute des amateurs les admirèrent, car mon ami et collaborateur, M. Arthur Engel, m'a dit avoir vu une reproduction de l'une d'elles. Mais je ne sache pas que l'on ait profilé de l'occasion pour en parler ou pour les publier dans quelque revue ou quelque livre. Je crois cependant qu'elles en valaient la peine. 1. Inventario, série hispano-arabe, n° 18; série hispano-chrétienne,n° 32.