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384 ' LA REVUE DE L'ART de faire de belles oeuvres. On s'accorde à dire que le buste du Louvre est un chef-d'oeuvre. Mais le buste, du moins, a son état-civil bien en règle ; et, à sup- poser même que l'on ne connût pas les circonstances précises de la découverte, il porte le sceau de son authenticité. L'art oriental, l'art grec, l'art ibérique s'y mélangent et allient avec une subtilité qui n'empêche ni de reconnaître ni d'ap- précier la dose de chacun d'eux ; il est aisé d'expliquer la genèse de l'oeuvre, d'en caractériser l'originalité. Le sabre, le glaive, le poignard de Badajoz sont d'un art moins puissant que le buste d'Elche, et nous ne devons pas être, en principe, étonnés que chez un peuple où un sculpteur a pu concevoir le chef-d'oeuvre de pierre, un orfèvre ait pu concevoir ces armes luxueuses. Il serait dorénavantinjuste de taxer, a priori, les artistes ibères d'incapacité. Mais il y a dans la.technique et l'exécution des poignées d'argent une habileté, une maîtrise tout à fait inattendues. Le travail de l'argent découpé, ajouré, repoussé, guilloché est d'une virtuosité qu'envieraientles meilleurs praticiens de nos jours, que n'auraient point méprisée les plus subtils ciseleurs de la Renaissance. Cette virtuosité même nous trouble, car cette qualité réservée, semble-t-il, aux artistes des époques de civilisation intense et raffinée, nous ne la constatonspas dans le buste d'Elche, où éclate la force du génie créateur plutôt que la sûreté de la main qui tra- duit. Si l'on ajoute que l'invention très riche et très souple des ornements linéaires, la franchise de la stylisation des monstres figurés, de leurs crêtes, de leurs ailes, de leurs corps squameux, que le naturel des tètes en applique évoquent tout naturellement les souvenirs de la Renaissance, on se demande si vraiment les armes n'ont pas été fabriquées à la Renaissance. Cette pensée n'est-elle pas très simple, et n'en voit-on pas l'expression naïve dans cette tradition qu'elles appartinrent aux Inquisiteurs? ... Presque sans aucun doute cette opinion aurait été la mienne, si la nécessité ne s'imposait pas d'établir des comparaisons instructives avec des documents d'une tout autre origine. Lorsque je publiai, dans un Essai sur l'art et l'industrie de l'Espagne primitive, quelques-unes des armes de fer qu'on est convenu d'appeler « sabres d'Almedinilla », et dont les musées de Madrid et de Cordoue, les collections de M. Serrano (de Bonele), de M. Vives (Madrid), du marquis de Comillas, de M.- Salazar (Alcala la Real), le Musée d'artillerie, à Paris, je crois aussi le Musée Britannique, d'autres collections encore, possèdent des exemplaires , je ne connaissais pas le musée de Badajoz; c'est ce qui explique que je n'aie pas parlé alors de ces pièces précieuses, qu'il est impos- sible de ne pas rapprocher des armes andalouses. D'abord, en examinant la forme des objets, on est forcé de reconnaître que le sabre de Badajoz est identique aux sabres d'Almedinilla ; la courbure de la lame est caractéristique; il est inutile d'y insister, et je renvoie sur ce point aux images que 1. P. Paris, Essai sur l'art et l'industrie de l'Espagne primitive, t. II, p. 277. et s. Cette liste est certainement incomplète, comme nie l'a affirmé M. Horace Sandars, qui prépare une très importante monographie des armes du type d'Almedinilla. Mon collaborateurArthur Engel et moi avons signalé déjà les recherches de notre ami dans la Revue archéologique, 1906, t. II, p. 76, note 2 (Fouilles et Recherchesà Almedinilla).