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386 LA REVUE DE L'ART même lame triangulaire, décorée de chevrons gravés parallèles à ses côtés Mais, après tout, ces formes, même celles des sabres, n'appartiennent pas exclusi- vement aux armuriers de l'Espagne primitive, et l'on en trouverait, sans trop de peine, hors d'Espagne des modèles de diverses époques. Ce qu'il faut surtout retenir de nos comparaisons, c'est que la copis de Badajoz a une poignée fermée, dont le pommeau est une tête de cheval. Au contraire, voici un fait qui pourrait être décisif. Le plus beau des sabres d'Almedinilla, bien connu et plusieurs fois publié, a le pommeau de la poignée et le cou formés par la tête et le cou d'un dragon de bronze (flg. 5). Or, ce dragon est complètement identique aux deux dragons du glaive de Badajoz. Tous les trois ont été, cela est certain de toute certitude, dessinés d'après le même modèle : même tête à la gueule béante, aux naseaux retroussés, et même rictus : même collier, mêmes écailles marquées par le même pointillé, mêmes ailes stylisées de même manière. Il n'y a quelque différence que dans de très menus détails, que la diversité des métaux employés explique, aussi bien que la diversité des outils et, sans doute, aussi des ouvriers. J'ajoute que sur la poignée du sabre de Madrid sont plaqués des restes de fusées, où s'enroulent des rinceaux d'un art qui égale et dépasse peut-être par sa simplicité de bon goût l'art des armes de Badajoz. Ici, il ne peut être question de coïncidences, de fortuites analogies : il y a pres- qu'identité. Si les oeuvres d'Almedinilla sont des oeuvres ibériques, comme le prouve en particulier la récente enquête que M. Arthur Engel et moi avons faite sur les lieux mêmes, les armes de Badajoz ne datent pas de la Renaissance. Cependant, il est de mon devoir de signaler une objection. M. Sandars, en examinant de près l'arme de Madrid, est arrivé à cette conviction qu'elle a été truquée, c'est-à-dire que les rinceaux et la palmette de la poignée ont été ajoutés postérieurement à la fabrication du sabre, car ils sont trop larges pour la soie. M. Mélida.M. Engel partagent, je crois, cette opinion. Mais s'ils ont raison, et à supposer même que l'adjonction des fusées ne soit pas antique, il n'en reste pas moins vrai que le dragon, du même âge que la copis, est l'ornement essentiel, primitif, de la poignée, et c'est lui qui a surtout de l'intérêt. J'ai donc le droit de ne voir, dans la remarque ingénieuse de M. Sandars, qu'une difficulté secondaire. D'autres arguments s'adjoignent à ceux-là. D'abord les lames sont en fer. ce que l'on aurait bien du mal à expliquer dans l'hypothèse d'une fabricationmoderne, et ce qui rapproche encore Badajoz d'Almedinilla. Ensuite, si la tète de dogue qui orne la garde du glaive est un motif de pure décoration et en même temps un morceau savoureux d'art, classique, savamment copié d'après nature, la tète de boeuf qui agré- mente le poignard est plutôt, archaïque, comme je l'ai remarqué plus haut ; le front, le nez, le mufle, surtout les yeux, rappellent quelques monuments intéressants de l'art ibérique, les têtes de Costig au musée de Madrid et nombre de petits bronzes servant d'amulettes ou d'ex-voto. On sait d'ailleurs quelle place tenait le taureau dans les idées religieuses des antiques habitants de la Péninsule. Mais, si cet ensemble de preuves ne paraissait pas prévaloir contre l'impression première, n'y aurait-il pas lieu d'admettre l'opinion nue les armes sont phéniciennes. t. P. Paris, ouvr. cité, t. II, fig. 415, 416.