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Page:Revue de l'art ancien et moderne, juillet 1906.djvu/508

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Mais, lorsque le Saint Michel, acheté à Berlin, entra dans la collection de Londres, érudits et critiques étaient encore émerveillés par le succès mondain et les révélations décisives de l’exposition du pavillon de Marsan, où le printemps de l’art français avait refleuri, après les siècles d’opulente moisson, comme en un « Salon d’automne ». M. Cook se souvint, en regardant le tableau de la collection Wernher, d’un panneau du musée Calvet, d’Avignon, qu’il venait de voir à Paris. En vérité, les deux œuvres n’avaient de semblable que le sujet qu’elles représentaient : Saint Michel combattant le dragon. Tout le reste différait de l’une à l’autre : technique, fond, coloris, composition et style. Le tableau de la collection Wernher est, il faut l’avouer, une œuvre bien autrement savante, vigoureuse et fière, que le tableautin d’Avignon. Cependant, ce rapprochement de hasard suffit à convaincre M. Cook que le Saint Michel de Londres était « un document d’art français primitif ». C’est le titre qu’il donna à son article, dont la conclusion fut que le Rubeus était un « maître Roux ».

Mais voici qu’une protestation vint de Barcelone. M. Casellas, rédacteur en chef d’un grand journal catalan et connaisseur d’art estimé, rappela, dans un article de la Veu de Catalunya[1], ce que les érudits anglais et français avaient oublié, si jamais ils l’avaient su : qu’il existait dans une salle attenante au cloître de la cathédrale de Barcelone un tableau donné en 1490 par un chanoine de l’église, Lluis Desplà, et signé, sur le cadre ancien, par un peintre de Cordoue, dont le nom semblait être la traduction en castillan de Bartolomeus Rubeus :

 : opvs.bartholomei.vermeio.cordvbensis[2].

C’est une Pietà, avec deux hommes en robe sacerdotale, à genoux devant la Vierge et le Christ : le chanoine donateur et un cardinal, saint Jérôme.

M. Cook voulut lui-même donner acte de la découverte de son contradicteur. Non content de faire amende honorable à Vermejo en lui rendant le Saint Michel de la collection Wernher, il se déclara prêt à lui donner

  1. Una taula d’un pintor d’aqui, atribuida al art francès (supplément du numéro du 3 août 1905).
  2. L’inscription est assez longue ; la voici complète : Opus Bartholomei Vermejo Cordubensis impensa Ludovici Despla Barcinonensis archidiaconi absolutum XXIII Aprilis Anno salutis christianae MCCCCLXXXX.