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bernis et la guerre de sept ans.

les moyens d’exécution pratiques, l’opinion de Duverney valait la peine d’être étudiée, et, afin de décider entre le Maréchal et lui, on convint dans le Conseil Royal d’envoyer sur les lieux le sieur de Crémille, un des acteurs de l’intrigue qui avait enlevé le commandement au Maréchal d’Estrées. Ce n’était donc point à coup sûr un ennemi, mais — bien qu’il eût tout tenté pour être déchargé de la mission — un surveillant et un contrôleur qui allait arriver. Au fond, le Maréchal sentait bien que Crémille finirait par se rendre à l’avis général, et, interrogé à cet égard par un de ses officiers généraux[1] : « Je seroy bien aise d’être jugé par M. de Crémille et je seroy flatté s’il approuve mon opinion sur la situation d’Halberstadt, ainsi que celle de vous tous, Messieurs, et de toute l’armée », avait-il répondu avec une parfaite assurance.

Nonobstant, envoyait-il, le 16 octobre, les brigades de Champagne, d’Alsace et d’Auvergne renforcer ses avant-gardes au camp d’Oscherleben, à quatre lieues d’Halberstadt et à six de Magdebourg, lorsqu’il reçut de la Cour, dans l’attente d’une décision sur la première de ces places, l’autorisation de faire prendre à ses troupes leurs quartiers d’hiver en Hanovre et dans l’Ost-Friese Prussien. Voulait-il donc, en maintenant l’ordre donné, n’user qu’avec mesure de cette faculté et s’assurer toutes facilités de rassemblement au cas où quelque pointe du Roi de Prusse ne laisserait plus de doute sur ses intentions ? À l’armée comme à la Cour, l’ignorance où l’on se trouvait des projets de Frédéric entretenait dans les esprits une anxiété d’autant plus vive qu’on s’était habitué, depuis la précédente guerre, à vivre dans l’admiration déconcertante de ses talents et des institutions militaires de la Prusse. Pour réagir contre ces tendances, Duverney avait beau se déclarer surpris des inquiétudes du Maréchal sur les opérations du Prince de Soubise, et, « la jonction étant faite entre son corps de troupes et le renfort amené par le Duc de Broglie », traiter « d’invraisemblable toute pensée du Roi de Prusse à hasarder une action[2] », l’incohérence qui présidait à la conduite de la guerre allait bientôt porter ses fruits. Le 4 novembre, Crémille arrivait

  1. Marquis Dumesnil, auparavant ministre près de l’Électeur de Bavière.
  2. Correspondance Duverney-Dumesnil, 24 octobre 1757 (Dépôt de la Guerre).