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augusta holmès.

l’appartement. Après avoir écouté aux portes et vérifié la présence des deux personnes, elle les enferma en emportant la clef. On devine aisément quelle fut la conséquence de cette gaminerie.

Aux environs de 1874, c’est Saint-Saëns qui, désirant se marier, aurait jeté des vues sur elle, se serait ouvert de sa flamme, aurait été éconduit. On lui répondit en substance que deux artistes cultivant le même art ne sauraient, sans grand danger de mésentente, mener la vie commune. « Mieux vaut que chacun suive sa voie. Restons d’ailleurs bons amis. » Ils le restèrent. Les vers qu’on va lire et qui furent, à cette date, adressés par Saint-Saëns à la jeune musicienne sont empreints d’un accent hyperbolique où se peut entrevoir, sous le couvert de l’admiration pure et simple inspirée par l’œuvre de l’artiste, un sentiment peut-être plus exalté pour la personne :

L’Irlande t’a donnée à nous. Ta gloire est telle
Qu’un double rayon brille à ton front ; Astarté,
Aussi belle que toi, ne savait qu’être belle ;
Sapho qui t’égalait n’avait pas ta beauté.

Tu chantes, comme vibre une forêt superbe,
Qu’agit la fureur des grands vents déchaînés ;
Comme aux feux de midi la cigale dans l’herbe ;
Comme sur un récif les flots désordonnés.

Ton talent réunit la force et la souplesse,
Et d’une défaillance il n’a pas à rougir ;
Si tu peux gazouiller comme en son allégresse
L’oiseau des champs, tu sais comme un fauve rugir.

La République, l’Art et l’Amour ont ensemble
Mêlé leurs voix, guidés par ta puissante main,
Cette main qui jamais n’hésite ni ne tremble,
Que la lyre soit d’or ou qu’elle soit d’airain.

Tout un peuple a chanté l’hymne de délivrance :
Vignerons, matelots, artisans, laboureurs,
Artistes et savants, parure de la France,
Les guerriers, les enfants qui leur jettent des fleurs.

À ta flamme allumée en brillante spirale,
La flamme des trépieds sur tous les fronts a lui,
Et nous avons trouvé dans l’Ode triomphale
Pour le grand Centenaire un chant digne de lui.