Page:Revue de l’Orient, tome 5.djvu/294

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parut mieux répondre à l’objet qu’on avait en vue que l’ardeur et la persévérance des missionnaires français. En conséquence, la Société des missions étrangères de la rue du Bac fut investie, en 1834, de l’administration spirituelle de la Corée, à la charge d’y entretenir un évêque et des prêtres en nombre suffisant. Quelque difficile et dangereuse que dût être cette entreprise, un évêque se présenta pour la commencer, et deux missionnaires s’offrirent pour compagnons de ses succès ou de ses revers. Ils partirent : mais au moment même de pénétrer dans sa nouvelle mission, et après avoir traversé la Chine et la Tartarie, au milieu de mille dangers, Mgr Bruguières fut arrêté par une mort subite, dont la véritable cause est restée un secret jusqu’à ce jour. Les missionnaires continuèrent leur route, et ils parvinrent successivement à s’introduire en Corée, auprès de leurs néophytes.

Dès que la mort de l’évêque de Capse fut connue à Rome, on se hâta de lui donner pour successeur M. Imbert, qui se mit en route immédiatement, et fut assez heureux pour porter en Corée la première mitre épiscopale qu’on y eût vue. Mais, hélas ! le lugubre cyprès croît souvent à côté du laurier triomphal : les cris de pleurs sont trop fréquemment l’écho des ovations humaines ! À peine le gouvernement coréen eut-il connaissance de l’arrivée de plusieurs Européens dans le pays, qu’il en conçut, pour sa propre existence, des soupçons et des craintes d’autant plus fondées, que la guerre entre les Anglais et les Chinois était alors dans sa plus grande activité. On mit la police à la poursuite des nouveaux venus, ainsi que de ceux qui avaient embrassé leur doctrine, et au jour fixé, le fer du bourreau les mit tous au nombre des martyrs de la religion chrétienne. Cet événement, dont la nouvelle vient de nous parvenir (juillet 1843), a détruit toute espérance de voir le christianisme prendre racine en Corée dans les circonstances politiques présentes.

Plus tard, peut-être, un changement salutaire dans la forme du gouvernement permettra aux missionnaires de recommencer leurs efforts, et on peut donner comme certain qu’ils seront alors couronnés de succès.

Ainsi que je l’ai laissé entrevoir plus haut, le roi de Corée est tributaire de l’empereur de Chine, auquel il envoie des présents chaque année. Les ambassadeurs chargés de porter à Pékin cette reconnaissance de suzeraineté se mettent en route au commencement de la onzième lune, c’est-à-dire vers la fin de notre année, avec une suite de vingt-cinq à trente personnes. Bien que ce soient des gens d’une naissance et d’un rang élevé. Ils profitent néanmoins de leur voyage à la capitale de la Chine pour y commercer sur les articles d’exportation, qui offrent de grands bénéfices ; ce qui est, au reste, d’autant moins étonnant qu’un gouvernement européen même, le gouvernement hollandais, exploite régulièrement le commerce des îles de la Sonde !

L’empereur de Chine permet aux ambassadeurs coréens de se reposer à Pékin pendant un mois ; ce terme expiré, il les renvoie dans leur pays chargés, pour leur souverain, de présents plus riches que ceux qu’il en a reçus ! Il arrive parfois que Sa Majesté Impériale ajoute quelques remarques