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parce que nous sentons et reconnaissons encore en elles la loi de leur création. Depuis qu’ils naquirent de la tendance naturelle à reproduire artificiellement l’impression auditive perçue, ces monosyllabes verbaux n’ont cessé, pour la plupart du moins, de remettre en sensation l’action bruyante qu’ils sont chargés de rappeler à l’esprit. Simple ou sous sa forme intensive RUg (n’oubliez pas de laisser au signe u sa valeur de ou, toutes les fois qu’il ne s’agit pas d’un mot français), le verbe onomatopéique RU (roù), avec son r déchirant et les sourds grondements de sa voyelle prolongée, vous paraîtra un digne représentant de l’action RUgir, si parfois la nuit, du fond d’une caverne d’Afrique ou d’une cage de ménagerie, la voix effrayante du roi des animaux est venue jusqu’à vous. Et de même, sous sa forme intensive MUG ou sa forme simple et première, le verbe MU (moû) remettra fort bien en sensation chez vous les sourds MUgissements du taureau. Je sais qu’il est des natures très pauvrement douées sous le rapport de l’art, et pourtant je ne voudrais pas être chargé d’en trouver une qui vînt déclarer de bonne foi que les verbes aryaques SKRA, SKRU, SKAR, SKUR, gratter, racler, déchirer, seraient heureusement remplacés dans leur corps syllabique par NA, NI, MA, MU, et que SPHU (sphoû), souffler, serait un portrait sonore du souffle buccal moins fidèle que TA ou TI.

Il serait possible d’établir un certain ordre, un certain classement parmi les onomatopées. Il serait bon de mettre ensemble les cris, les hurlements, les mugissements, les rugissements, les vociférations de toutes sortes : tout cela formerait le genre crier.

En réunissant sous un même titre toutes les imitations orales du souffle, du ronflement, de la respiration