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remarques. Mais des réflexions de cette nature trouveront mieux leur place dans un travail spécial sur la phonétique euscarienne. J’ai dû réserver aussi bien d’autres questions ; qu’on me permette d’en indiquer une. J’ai signalé les singularités que présentent dans leur union au mot modifié les suffixes que le prince Bonaparte appelle locaux. Sous leur forme la plus simple, ils ne se bornent pas à indiquer un rapport, ils servent en même temps à définir le mot : mendira signifie, non pas « vers montagne » (cela se rend par menditara), mais « vers la montagne » ; de même mendietara veut dire « vers les montagnes » quoique l’article ak « les » n’existe plus. Même si l’on admet que, dans ce dernier mot, eta est un signe de pluralité (mendi-eta, montagne et (montagne)[1], le formatif est indéfini avec une signification définie. Pourrait-on voir là une trace, un reste des procédés usités avant que le pronom démonstratif fût devenu l’article, dont les Basques auraient eu besoin seulement lorsqu’ils se sont trouvés en présence des langues romanes qui venaient de s’en créer un aux dépens d’un pronom latin ? Cette hypothèse est moins difficile à admettre qu’il ne semble, si l’on remarque que le basque a profondément souffert du contact avec les langues romanes. Ainsi le labourdin dira eman du emaztekiari sagarra « il l’a donnée à la femme la pomme » (du au lieu de dio « il la lui a donnée » ) et nahi zaitut eman merezia duzun fama « je veux vous donner la louange que vous méritez » (zaitut

  1. Le prince Bonaparte retrouve ce signe de pluralisation dans les noms propres de lieux tels que Ezpeleta, Olheta, etc. Ezpeleta (Espelette), de ezpela « buis » et eta serait « l’endroit où il y a beaucoup de buis » ; Olhetha (Olette), de olha « forge » et eta, « l’endroit où il y a beaucoup de forges », etc. Ces mots seraient donc analogues aux noms de lieux français les Echelles, les Pierres, les Essarts, les Fontaines, etc.