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$£ REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

nombre devient infini. Elle n’existe donc que si l’on peut faire décroître indéfiniment ces éléments et faire croître indéfiniment leur nombre ; et, par conséquent, la définition de l’intégrale exclut l’existence d’un élément fini et indivisible, d’un minimum de grandeur, bien loin de la postuler. Pour employer encore un exemple géométrique, le plus simple et le plus connu, l’aire du cercle n’est pas l’aire d’aucun des polygones inscrits ou circonscrits, si grand que soit le nombre de ses côtés, mais bien la limite de cette aire quand le nombre des côtés devient infini et que tous les côtés deviennent nuls, en un mot, quand le contour polygonal brisé est remplacé par la circonférence continue. On le voit clairement à présent l’assimilation d’une courbe à une ligne brisée, d’un cercle à un polygone n’est qu’un artifice de l’imagination, qui essaie de décomposer le continu en éléments finis pour se figurer la relation qui existe entre ces éléments. Mais cette fiction grossière et toute provisoire est une fausse hypothèse, une erreur voulue qu’on répare en passant à la limite, e’est-à-dire en annulant les infiniment petits et en transformant la relation finie en équation différentielle. Il ne faut pas prendre pour fondement essentiel du Calcul infinitésimal cet expédient préparatoire, ce stade préliminaire dont il ne reste pas trace dans les équations différentielles ni être dupe des formes de langage et d’écriture qui semblent présenter les différentielles comme des quantités réelles et finies. La dérivée n’est pas un rapport réel, mais un rapport symbolique, c’est-à-dire la limite d’un rapport ; l’intégrale n’est pas une somme réelle, mais une somme symbolique, c’est-à-dire, la limite d’une somme. 11 faut bien se garder de réaliser et de fixer les infiniment petits, et de leur attribuer une valeur quelconque, différente de zéro. Cette erreur fut commise par la plupart des mathématiciens infinitistes du xvuc et du x’iue siècles,’ qui, admettant la grandeur infinie, se croyaient obligés d’admettre, par symétrie, des grandeurs infiniment petites. M. Cantor, logicien plus rigoureux et infinitiste plus conséquent, a prouvé. au contraire que l’existence (idéale) des grandeurs infinies exclut l’existence de grandeurs infiniment petites non nulles1. On ne peut donc pas dire que l’Analyse infinitésimale postule au sein du continu géométrique des éléments indivisibles.

i. Lettre à M. Weierstrass, du 16 mai 1887, ap. Zeitscknft fiar Philosophie und pkilosophiscke Krilik, t. 91.