Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/537

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L. BRUNSCHVICG. – SPIRITUALISME ET SENS COMMUN. S33 doit être d’agréger à la conscience morale la conscience intellectuelle, non moins nécessaire pour l’union et pour le progrès de l’humanité pensante, de faire une fois de plus l’éducation du sens commun.

Est-il possible d’esquisser les principes de cette nouvelle éducation ? Suivant la thèse de l’éclectisme, le sens commun est spiritualiste, et il faut bien admettre que- cette affirmation est légitime, puisque le sens commun, qui parait bon juge en la matière, l’a laissée passer sans protestation. Le sens commuirs’est cru spiritualiste, si bien que le matérialisme s’est réclamé de la science, afin de dissiper les préjugés régnant dans la conscience publique. Et en fait, ce qu’il y, a de plus profond dans cette conscience, c’est un ensemble de convictions morales qui lui apparaissent comme liées *s à l’existence indépendante de l’âme. On pourrait assurément soutenir que ces convictions ne sont proprement ni philosophiques ni chrétiennes,- puisqu’elles trouvent leur plus exacte expression dans les développements oratoires des traités cicéroniens ; il est vrai pourtant qu’elles ont été préparées par la philosophie de Platon et confirmées par la propagande du christianisme. Seulement quelles sont les représentations qui correspondent à ces convictions ? quelle notion le sens commun se forme-til de l’âme ? Or, s’il est un fait d’observation constante, c’est que l’esprit de l’homme ne saurait débuter par la conception du spirituel en tant que tel. Le type de l’existence lui est fourni par les objets matériels, et c’est sur ce modèle que l’esprit lui-même doit être conçu. Dans notre civilisation occidentale la spéculation philosophique a reposé d’abord sur le postulat matérialiste : dans toutes les doctrines populaires, que ce soit l’épicuréisme ou son antagoniste, le stoïcisme, il n’y a de réalité" que matérielle l’âme est faite d’atomes,’ou l’esprit est un feu. Si on interroge de bonne foi le sens commun, on constate qu’en affirmant la spiritualité de l’âme il ne répugne nullement à de telles conceptions. Et.d’ailleurs on ne voit pas comment il aurait pu ne pas transporter dans ses convictions spiritualistes les habitudes représentatives du matérialisme il aurait fallu au moins qu’il fût encouragé et guidé dans cet effort par l’exemple des philosophes. Mais c’est précisément dans les systèmes qui ont été le plus près d’obtenir pour des siècles une adhésion unanime, que l’esprit a été le moins nettement distingué de la matière. Pour arriver à la définition de la substancequi caractérise l’existence absolue, Aristote doit