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H. POINCARÉ.Réponses à quelques critiques.

On appellera égalité une relation jouissant des propriétés suivantes.

1o  Si l’on a , on aura .

2o  Si l’on a et , on aura .

Maintenant, dans les applications, on conviendra d’appeler égalité telle ou telle relation, et on en aura le droit dès qu’on aura constaté que cette relation jouit des propriétés que je viens d’énoncer.

Cette définition peut évidemment prêter à de graves objections, puisqu’elle ne tient aucun compte de l’origine psychologique de la notion d’égalité. Mais c’est celle qui aurait le mieux convenu au point de vue purement formel où je m’étais placé.

Évidemment on pourrait adopter telle autre définition que l’on voudrait, il y aurait alors lieu d’établir que deux quantités égales à une même troisième sont égales entre elles et on poursuivrait ensuite la série de mes raisonnements sans y rien changer. La définition de l’égalité est indifférente au point de vue où je me place. C’est une sorte d’élément étranger que j’ai cherché à éliminer le plus possible et si je préfère celle de Helmholtz, c’est parce que c’est pour ainsi dire un minimum de définition.

II

On a le droit de faire la théorie générale des opérations sans définir l’opération que l’on considère, de même qu’on fait la théorie de l’addition sans définir la nature des termes à additionner.

Ce n’est qu’un pas de plus dans la voie où se sont engagés les mathématiciens ; ceux-ci cherchent en effet de plus en plus à séparer les formes pures qui font l’objet de leurs études des éléments matériels qui participent encore de la réalité. Ce n’est qu’à ce prix qu’ils peuvent atteindre la rigueur qui leur est nécessaire.

Il faut que cette tendance soit bien impérieuse. L’éminent physicien Helmholtz ne saurait être soupçonné d’avoir voulu sacrifier la réalité ; c’est à lui pourtant qu’est due la définition si caractéristique de l’égalité que je citais tout à l’heure.

Quant à moi, j’ai été aussi loin que possible dans ce chemin qui nous éloigne de la réalité et qui nous conduit à un domaine où règnent la forme pure et la rigueur absolue. Voici pourquoi :

Je me proposais de prouver que le raisonnement mathématique rigoureux, comme le comprennent les analystes contemporains, n’est