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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

tient pas l’affirmation et un ordre fixe indépendant de nous, inintelligible (causalité), lequel suppose un ordre fixe dépendant de nous, intelligible (finalité dans l’idée, dans la logique, ou plutôt dans la dialectique). Cette représentation est un acte, sans doute, et implique une croyance, mais non une connaissance. Il est vrai qu’en même temps que la représentation est la liaison de nos sensations entre elles et à nos désirs, il y a aussi un usage d’elle par nos désirs qui est un rapport d’elle à nous et, en un sens inférieur, une vérité de cette représentation. Cet usage est gouverné par l’habitude qui plus ou moins lentement se, fait et se défait d’après l’expérience du succès ou de l’insuccès de nos tentatives pour réaliser nos désirs par rapport à cette représentation ; et dans la plus ou moins grande rapidité avec laquelle elle se fait et se défait consistent les degrés de ce qu’on peut appeler l’intelligence animale. Cette vérité pratique, purement relative à l’être, de la représentation, laquelle exprime la possibilité supposée de tel ou tel usage d’elle, est indéfiniment perfectible et indéfiniment rectifiée. Il ne faut pas la confondre avec la prétendue détermination quantitative de la représentation en elle-même.

L’être ne se trompe pas plus en tant qu’il échoue dans tel usage de sa représentation qu’en tant qu’il a simplement celle-ci, pourvu qu’il n’ait pas l’idée que la détermination qu’il en fait est vraie, c’est-à-dire absolue. S’il a cette idée il se trompe positivement sa représentation contient alors autre chose qu’elle-même, et n’est pas seulement la liaison de fait des sensations simultanées de l’être et de leurs rapports avec ses désirs : elle contient une idée d’un autre ordre, une explication : l’affirmation de l’existence et de telle détermination absolue. Soleil à 200 pas et volonté libre. Spinoza met trop dans la représentation et il ne met pas assez dans l’affirmation en ne la faisant porter que sur des mots. Il n’y a pas de connaissance dans la première, objet de croyance, et il y en a deux dans la deuxième, une vraie, qu’il y a une détermination ou vérité absolue de la représentation quant à l’être et quant à la quantité, et une fausse, qu’elle est telle, et donnée dans la représentation même. Il y a une vérité de l’existence du soleil et de nos actes, mais non donnée dans le fait de leur présence ; et il y a une vérité de la distance du soleil et une explication absolue de nos actes, mais non en eux en tant que représentations. L’erreur consiste donc non dans la seule absence de l’explication vraie, volonté libre n’est pas ignorance des motifs, mais dans la présence du principe de cette explication appliqué en