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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

(affirmation implicite) ou son prolongement en une autre ( l’addition ou juxtaposition d’une autre).

5. De même la négation comment une idée nierait-elle l’autre, sinon en la supprimant ? Or la négation ne supprime pas les croyances proprement dites.

6. Enfin la vérité ou connaissance vraie et certaine elle ne se distinguerait pas de la croyance si elle n’était pas plus qu’un fait, même le fait de la certitude.

Tout cela n’est intelligible que si le fait, la donnée, la croyance, n’est qu’une matière dominée par quelque chose d’un autre ordre.

En ce sens Descartes a donc raison au fond.

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Solution.

Le doute est le non-jugement par non-perception de la vérité. Or la donnée, comme donnée, est toujours perçue ; donc c’est autre chose qui manque et pourrait être là ; quelque chose de différent d’elle, qui n’y est pas nécessairement ; mais non pas une autre donnée, car ce serait quelque chose de séparé, des données, comme telles, étant distinctes. Des données de même ordre ne feraient jamais le doute, ni par conséquent la connaissance ; donc quelque chose dans la donnée même, différent d’elle ; donc quelque chose qu’elle pourrait être, sans cesser d’être elle-même et qui serait, même alors, différent d’elle ; donc un rapport entre elle et quelque chose d’autre ; mais d’autre ordre, car ce rapport ferait des deux un seul ; donc un accord, c’est-à-dire quelque chose dans la donnée qui permette d’apercevoir en même temps le terme d’autre ordre et constant du rapport ; donc le schème de ce terme ou les conditions de son application. Le doute est donc le non-jugement par non-intuition des conditions de l’application d’une FORME.

Il suppose donc, outre l’idée sur laquelle il porte :

1° L’existence dans l’esprit d’une idée des conditions à remplir ; 2° la présence actuelle de cette idée à la conscience.

Ces conditions du doute sont celles de la connaissance même ; car sans le doute, c’est-à-dire sans la conscience des conditions de la vérité ou de la possibilité de l’erreur, point de connaissance ; mais une simple addition de croyances. On va de la croyance à la certitude par le doute, et la question du rôle de l’entendement et de la