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J. LAGNEAU.FRAGMENTS.

volonté, ou de la nécessité et de la liberté dans la connaissance est toute ici.

Or d’abord,

Ces conditions ne font pas le doute. Il consiste dans le rapprochement de deux idées et le jugement que devant se convenir elles ne se conviennent pas. Il y a donc nécessairement une forme suprême et totale au-dessus de toute forme-matière ou particulière, et l’idée de la liberté ou mieux de la volonté est ici[1]. L’idée de la volonté c’est l’idée de la disproportion entre toutes les données et leur forme. L’idée de l’entendement c’est l’idée des données nécessaires. Volonté et entendement ne sont donc pas de purs universaux, mais des modes nécessaires, des idées exprimant une vérité, la nature de la pensée dans la connaissance. Elle suppose les deux termes, la donnée ou les données, et la forme.

Il est vrai que la volonté et l’entendement sont seulement deux idées. Mais cette forme suprême et totale même, l’idée de la vérité, en tant que forme, ne suffit pas, ni pour produire un jugement vrai, ni pour produire un jugement quelconque. L’idée de la liberté n’est autre que celle de la disproportion absolue entre cette forme et la vérité, c’est-à-dire que c’est l’idée de l’insuffisance de l’idée à exprimer la vérité : dualité irréductible de l’idée et cependant elle est unité ; contradiction. Elle suppose donc autre chose, et au fond tout jugement, même inadéquat, est libre. Il est pensée et la pensée n’est ni donnée ni forme, mais mouvement de l’une à l’autre (finalité).

Il n’y aurait rien s’il n’y avait que l’idée, les idées, s’il n’y avait pas l’esprit qui les porte et les produit et les unit, et autre chose qui explique le mouvement vers une fin qui est l’esprit et les idées qui en résultent, autre chose qui n’est ni idée ni esprit. Sans quoi les idées sont indistinguables, et le mouvement de l’une à l’autre inintelligible.

Cette liberté, il est vrai, est imparfaite, mais elle peut se parfaire en se connaissant. La parfaite liberté et le contenu positif de l’idée de liberté et l’acte suprême de la raison (comprendre) c’est de reconnaître l’insuffisance de l’idée à exprimer l’être.

  1. C’est là plutôt l’idée de l’entendement ; celle de la volonté est celle de la disproportion entre toute forme et l’acte (finalité idée de l’être vrai poursuivi) ; celles de la raison et de la liberté sont au-dessus. (Note de J. Lagneau.)