Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

62

Le doute ne consiste-t-il que, soit 1, dans l’incertitude de l’imagination soit 2, à avoir une idée inadéquate ; soit 3, à avoir une idée qui marque qu’on perçoit d’une manière inadéquate ? Remarquer progrès dans ces trois idées, rangées ainsi dans leur ordre chronologique (Sch. de 44. Sch. de 49, début — milieu).

D’abord pour Spinoza l’idée inadéquate c’est l’imagination perception. Or : 1. Il ne peut y avoir d’incertitude de l’imagination. Car, automatiquement une imagination ramène tantôt telle image, tantôt telle autre. Point d’incertitude dans le pur mécanisme objectif. Elle suppose une attente, une lutte, une idée, le subjectif.

2. Une idée n’apparaît pas inadéquate en elle-même.

3. Spinoza est donc conduit à faire consister le doute dans une idée qui marque qu’une autre est inadéquate. Mais cette idée ne peut pas être inadéquate elle-même : car ou bien

4. L’une éliminerait l’autre, c’est-à-dire qu’elles se succéderaient,
ou, 2 : elles se juxtaposeraient, et coexisteraient,
ou, 3 : elles se composeraient (une imagination complétant une imagination).

Dans les trois cas point d’incertitude. Pour qu’elle ait lieu, il faut coexistence sans fusion possible, c’est-à-dire différence de nature, c’est-à-dire une idée adéquate. Cela même suffit-il ? Le doute consiste-t-il dans une idée adéquate qui nous marque qu’une imagination-perception est une idée inadéquate et que telle idée (au sens général) que l’on a est une imagination-perception et par suite inadéquate. Mais si on a cette idée, on ne doute ni de l’imagination-perception en elle-même, puisqu’elle n’est pas fausse considérée ainsi, comme pure donnée, ni non plus de ce qu’elle n’est pas connaissance adéquate, c’est-à-dire de ce qu’elle n’exprime pas la vérité, puisque l’idée inadéquate ne peut l’exprimer. — Dira-t-on qu’on ne sait pas ceci et que c’est pourquoi l’on doute. Mais quand on le sait, on ne doute pas moins. — Donc le doute pour Spinoza n’est qu’une connaissance claire ajoutée à une connaissance confuse, c’est-à-dire une double affirmation (une croyance et une certitude) : c’est-à-dire qu’il n’est pas le doute.

Ou, 2, dans une idée adéquate qui marque qu’on imagine, qu’on ne perçoit pas, c’est-à-dire consiste-t-il à douter de la présence de l’objet ? Mais, si elle existait, elle exclurait sa présence. Ici encore une croyance et une certitude, une négation, pas de doute.