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J. LAGNEAU.FRAGMENTS.

Le véritable doute n’est pas la connaissance du caractère inadéquat d’une idée inadéquate par essence, mais le fait que sachant qu’une idée donnée peut être l’un ou l’autre, nous ignorons ce qu’elle est. Le doute ne porte donc pas sur la perception-imagination, mais sur l’idée proprement dite et l’idée n’est pas nécessairement adéquate[1].

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La sensation, — la représentation, — la perception supposant la mesure et par suite l’entendement avec ses formes. — La raison : liberté, spiritualité, perfection. Aucun de ces degrés n’est contenu dans l’inférieur, et c’est même l’inverse qui est le vrai, car le supérieur est dans l’inférieur, mais ignoré. Ex. : c’est par la représentation et par la conception que nous connaissons la sensation, qui n’est pas donnée isolée ; c’est par la mesure et la conception que nous déterminons la représentation. Tout est donc en un sens nécessité, mais en l’autre libre. Nécessité en tant qu’il suppose du donné indéfiniment ; libre en tant que le donné n’explique rien et s’explique par autre chose dans l’autre sens. On reste dans la nécessité si l’on suit le mouvement naturel des idées dans le même ordre, contenant le supérieur, mais ignoré ; on s’élève dans la volonté en entrant dans la connaissance proprement dite, par le doute (conditionné encore mais non absolument) portant seulement sur la présence des conditions d’application de la forme, non encore conçue comme irréalisable.

On s’élève dans la région de la raison, de la liberté, quand, par un acte de réflexion, on prend conscience de la nécessité, et par conséquent de l’infériorité de la forme. En ce cas liberté au 1er degré, détachement de toute la connaissance empirique par la conscience de l’impossibilité de trouver entièrement réalisées dans la représentation les conditions d’application de la forme. La mathématique et la logique ou mieux la critique rend possible le doute expérimental, conscience de la relativité indéfinie de l’expérience. Ce détachement n’est pas le doute, car il supprime le doute.

La liberté est, au 2e degré, dans l’acte par lequel nous [nous][2] détachons des formes elles-mêmes en les comprenant, en saisissant leur raison d’être dans autre chose qu’elles. Elles sont ainsi à la fois démontrées et détruites.

  1. Voir 58.
  2. Conj. E. C.