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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

La raison s’achève dans l’acte par lequel elle se détache d’elle-même en se comprenant. Comprendre c’est douter ou plutôt se détacher, faire acte de liberté.

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Pour Spinoza l’idée confuse c’est l’imagination-perception qui nous représente les choses par leurs effets sur notre corps et selon l’ordre de leur apparition ou de leur réapparition et non suivant leurs rapports vrais ; les idées que nous formons par la comparaison des choses entre elles, c’est-à-dire en recherchant leur ressemblance, leurs différences et leurs oppositions, c’est-à-dire en les pensant par ce qu’il y a de commun entre elles sont toutes adéquates et vraies. Cette connaissance est celle de l’étendue, du mouvement, du nombre ; c’est la connaissance abstraite, non la connaissance expérimentale ; elle est déductive, non inductive, analytique, non synthétique. Les idées s’impliquent et cette implication est l’affirmation même. Elles sont donc des actes préformés que nous réalisons ou plutôt qui se réalisent en nous. Mais comment ils se réalisent, c’est ce que l’on ne voit pas. Si les idées se contiennent, pourquoi celle-ci est-elle réalisée plutôt que celle-là ? Pourquoi ce chemin et non cet autre ? Il faut que la condition de leur réalisation et de leur distinction même soit en dehors d’elles. Elle est précisément dans la représentation, dans la conception ou aperception au sens cartésien, qui sans doute implique une croyance, c’est-à-dire une affirmation subjective d’habitude. Cette connaissance inférieure seule est imposée à l’entendement du dehors ; il s’agit pour lui ensuite d’y reconnaître ou de n’y pas reconnaître sa propre nature, c’est-à-dire de l’ériger en connaissance objective ou de la nier. C’est donc un passage de la puissance à l’acte, dont la condition est le donné, c’est-à-dire un acte de volonté, un acte que ses conditions ne donnent jamais entièrement et qui a pour objet de poser la possibilité de l’erreur, c’est-à-dire d’une méconnaissance (dans ou par l’idée ou croyance) des signes ou caractères de la vérité dans la représentation.

C’est l’erreur d’observation (au sens le plus général), à laquelle s’oppose l’erreur de réflexion qui consiste :

ou, 1 : à prendre l’explication relative pour l’absolue,

ou, 2 : à donner celle-ci seule, c’est-à-dire à ne pas respecter la gradation des ordres,

ou, 3 : à ne pas comprendre l’immanence de la vérité.

L’entendement c’est la pensée en tant qu’elle a une nature dont