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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

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La mémoire.

La mémoire est la condition de la conscience complète ou conscience de soi (conscience réfléchie). C’est la conscience du passé comme passé. Elle est distincte de l’imagination sensitive, spontanée, appelée quelquefois cependant mémoire imaginative (on veut exprimer par là qu’elle est passive, reproductrice, et non créatrice). Celle-ci est purement représentative (de perceptions ou de sensations) et n’est pas une pensée, un jugement : elle n’implique pas reconnaissance et projection dans le passé.

1. Analyse de la mémoire dans son acte complet, le souvenir. Il suppose réapparition ou rappel, reconnaissance, localisation dans le passé.

La réapparition, qui peut devenir le rappel, lorsque la volonté y intervient (souvenir volontaire, non jamais entièrement), s’explique par les lois de l’association (V. imagination, association). C’est la partie, l’élément, automatique, mécanique de la mémoire.

La reconnaissance au contraire est un jugement, un acte d’entendement. 1o On peut dire qu’elle s’explique par la facilité plus grande avec laquelle la chose déjà pensée autrefois est pensée de nouveau ; mais cette facilité plus grande n’a rien d’absolu, et il nous faudrait, pour en juger avec certitude, un terme de comparaison fixe pour chaque pensée, ou plutôt il faudrait que nous pussions la comparer avec elle-même. D’ailleurs ce qui dans une pensée appartient au passé est plutôt ce qui ne peut être déterminé qu’avec effort.

2o On pourrait dire aussi que la reconnaissance d’une pensée ou d’une représentation comme appartenant au passé du moi, c’est-à-dire son rejet, sa projection dans le passé tient à ce qu’elle est moins vive que les perceptions actuelles, et qu’il n’y a entre le souvenir et la perception que la différence de l’imaginé au senti (empirisme : Hume) ; mais, outre qu’on peut se souvenir d’une pensée proprement dite aussi bien que d’une perception et qu’en ce cas on ne peut alléguer que le souvenir se révèle par sa faiblesse relative, puisqu’il n’y a pas ici de perception correspondante, toutes les images ne sont pas des souvenirs, ne sont pas projetées dans le passé pourquoi les unes le sont-elles et non les autres ? Cette différence absolue ne saurait s’expliquer par une différence de degré. Dans un souvenir considéré comme tel il n’y a pas quelque chose de moins, mais quelque chose de plus que dans une image ou dans une pure idée.