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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

l’idée et du fait : le présent c’est la pensée dans son cadre déterminé de représentations et de sentiments connexes ; le passé c’est la représentation par laquelle la pensée s’explique ce qu’elle subit dans le fait actuel sans pouvoir le faire entrer dans sa représentation spatiale présente ; l’avenir est la représentation de ce qui est dans le fait présent que la pensée ne subit pas, mais qu’elle juge pouvoir subir parce que les conditions en sont peut-être données dans la représentation spatiale présente). Ainsi la reconnaissance est provoquée par l’incompatibilité de son objet avec le fait actuel et par sa tendance à reconstituer un autre fait dont l’idée seule est déterminée. La reconnaissance suppose donc la représentation du passé (et par suite de l’avenir), c’est-à-dire du temps, et celle-ci est celle d’un ordre nécessaire suivant lequel des faits qui s’excluent sont reliés les uns aux autres dans une même pensée : elle suppose donc que la pensée se rattache également à tous, c’est-à-dire se projette sous chacun d’eux, et affirme son identité dans ses moments successifs.

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La conscience n’est pas un épiphénomène, mais un moment de la pensée : ce sur quoi elle se porte, elle le transforme et inversement ce qui lui échappe se transforme.

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Deux sens bien distincts du mot conscience psychologique, la pure pensée subjective, le Daseyn, ou sens intime, et la possession par le moi, le Bewusstseyn, la conscience de soi. La première n’est pas connaissance proprement dite, mais sentiment, sensation (non sentimus nisi nos sentire sentiamus (sçhol. 9e-1), c’est-à-dire condition de la connaissance. La deuxième est connaissance et suppose la pensée objective, l’application de sa nature absolue, c’est-à-dire sa prise de possession du senti (son interprétation). Mais elle ne s’y superpose pas simplement comme un épiphénomène, elle le transforme en l’éclairant et ne forme qu’un avec lui.

Loin que la conscience psychologique atteigne l’absolu, elle est entre les deux absolus, le multiple objectif et l’un intérieur (objet de la pensée). C’est seulement par la conscience morale, dans l’acte moral objectif, que l’absolu se réalise en nous par la fusion des deux éléments contraires.

La conscience psychologique est un fait social. Le sentiment du