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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Lorsque cette diversité parallèle et successive fait défaut nous ne pouvons juger du mouvement, et très souvent (Wundt) un mouvement qui demande une grande force nous paraît être un mouvement d’une grande étendue, lorsque la sensation musculaire est reconnue comme associée d’ordinaire à une longue série. De là vient aussi qu’une ligne découpée de points paraît plus longue. Dans la paralysie d’un muscle de l’œil, les distances paraissent plus grandes.

Ett. Weber a démontré l’existence du sens musculaire en établissant que nous sommes beaucoup plus sensibles aux poids qu’aux pressions. D’autres nombreux faits l’établissent. Ex. : exacte convergence des yeux ; illusions non seulement de sensations, mais d’actions motrices, des amputés ; illusion dans la paralysie du muscle droit externe de l’œil ; efforts musculaires impuissants, mais sentis dans la paralysie. « Avant Weber beaucoup de physiologistes niaient l’existence de ces sensations de mouvement, dit Wundt, et pensaient que ce n’est que par les sensations de la peau que nous mesurons exactement nos mouvements ». Ils avaient tort de penser que nous mesurions exactement ces mouvements par ces sensations, car même avec elles nous [ne] les mesurons pas ainsi, seulement elles sont nécessaires pour la distinction même approximative, qui n’est pas une mesure. Mais Weber a raison de soutenir l’existence des sensations musculaires ; il a tort seulement de les nommer sensations de mouvement, car le mouvement est connu par une perception, résultant de la mise en rapport de la sensation musculaire avec une autre série de sensations, soit de pression, soit de lumière. Nous ne mesurons pas notre effort en lui-même, pas plus que nous ne mesurons le mouvement objectif.

Nous n’avons pas le sentiment d’un mouvement orienté, mais simplement voulu ; Wundt en conclut que le siège de cette sensation n’est pas dans les muscles, mais dans les cellules motrices, et qu’elle est directement liée à l’innervation motrice. Mais ce fait n’est sans doute pas primitif, mais acquis : de même nous éprouvons des sensations objectives en dehors de toute excitation de l’organe, mais nous ne commençons pas par là[1]. Suit-il de ce fait que la sensation d’effort n’a pas son siège dans le muscle ? Oui, sans doute, comme la sensation objective n’a pas le sien dans son organe ; mais il ne s’ensuit pas qu’il faille l’appeler sensation d’innervation, sans quoi il

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