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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

liberté, seul absolu, et dira-t-on que la liberté préexiste au rapport nécessaire dans lequel elle apparaît avec les deux autres termes ? Mais cette liberté pure est inintelligible, et on ne voit pas comment ce néant aurait produit quelque chose.

Ce mode de pensée qui consiste à expliquer l’être par une cause absolue, c’est-à-dire à transporter dans l’absolu des notions qui n’ont de sens que dans le relatif, est celui de la raison spontanée, simple prolongement ou plutôt achèvement de l’entendement.

Mais la pensée réflexion nous apprend que l’objet, que cette loi de l’entendement et de la raison qui consiste à tout expliquer par la nécessité et par la liberté ou cause première, cherche à exprimer, ne peut être que l’unité (ἕν καὶ πᾶν) ou l’identité.

88

En un mot, il n’est pas seulement possible et admissible pour des raisons purement morales, comme le veut Kant, que la réalité en soi du monde soit finalité, esprit : cette conception est nécessaire ; elle est la conception sans laquelle nous ne saurions former et admettre comme certaine celle de l’objectivité du monde en tant que phénomène. L’expérience objective suppose et, recouvre une métaphysique.

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Dieu est l’affirmation de l’identité de l’idéal et du réel. Ce qui est réel dans l’idéal ou son essence, c’est sa forme, c’est-à-dire sa conformité avec la perfection et non sa matière, son contenu empirique. C’est-à-dire qu’il ne peut y avoir d’idéal absolu, que l’idée d’une absolue perfection est contradictoire. En effet l’idéal, la perfection, ne peut être que par son rapport avec l’idée de perfection. Est-ce maintenant dans cette idée que la perfection absolue peut être trouvée ? Non, le parfait ne peut être donné même à titre de pure forme ; car une forme donnée ne peut trouver de garantie en elle-même, mais en suppose nécessairement une autre, à laquelle elle est par suite relative, et ainsi indéfiniment. L’idéal ne consiste donc ni dans une chose, ni dans la conformité d’une chose à une idée, ni dans une idée ; il ne peut consister que dans la pure action qui, renonçant à chercher sa justification dans une série indéfinie de raisons, de même qu’elle a renoncé d’abord à la chercher dans une série indéfinie d’expériences, accepte pratiquement l’idée, c’est-à-dire ne la subit pas seulement, ce qui d’ailleurs ne se peut, car elle n’est jamais