Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/337

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Ces préliminaires indiques, montrons la vérité de nos deux thèses, énoncées plus haut. Les partisans des causes finales ont fait tout ce qu’ils ont pu pour discréditer l’idée de finalité. Il n’en est pas moins certain que c’est du moment où l’on introduit cette notion, même sous sa forme mystique et la moins rationnelle, dans la conception du monde, que date le premier balbutiement de la science. À la vue de l’univers étoile, qu’a rêve la conscience primitive ? Une adaptation immense, unique, chimérique, née de l’illusion qu’on a appelée géocentrique : toutes les étoiles sont pour la terre ; la terre et, sur la terre, une ville, un bourg, sont le point de visée du firmament qui s’inquiète perpétuellement de la destinée de ces êtres éphémères que nous sommes. L’astrologie a été le développement logique de cette grandiose et imaginaire adaptation du ciel à la terre et à l’homme. L’astronomie véritable a non seulement fait évanouir cette absurde harmonie, mais elle a brisé l’unité de l’harmonie céleste, elle l’a morcelée en autant d’harmonies partielles qu’il y a de systèmes solaires, séparément cohérentes, symétriquement: coordonnées, mais reliées entre elles Par des liens bien douteux et bien vagues, groupes en nébuleuses informes, en constellations disséminées, étincelant désordre. Amoureuse de l’ordre, comme elle l’est avant tout, la raison humaine a donc dû renoncer à chercher dans le groupe total du monde, dans le Cosmos, le plus haut objet de son admiration, les traits les plus marques d’une coordination divine. Elle a dû descendre au système solaire pour les trouver, et a, à mesure qu’elle a mieux connu ce petit monde, ce n’est pas tant l’ensemble que les détails de ce beau groupement de masses qui a provoqué son ravissement. Plus que les rapports des planètes entre elles, le rapport de chacune d’elles avec ses satellites, et, mieux encore, sur la surface de chacun de ces globes, sa formation géologique, le régime de ses eaux, sa composition chimique, l’ont frappée de surprises, lui ont révélé un accord étroit. Ce n’est plus vers l’immense coupole des cieux que doit se tourner dorénavant l’âme religieuse pour y adorer la sagesse profonde qui meut ce monde ; c’est plutôt dans le creuset du chimiste qu’elle doit regarder pour y scruter le mystère de ces harmonies physiques les plus précises assurément et les plus merveilleuses de toutes, plus admirables que le pêle-mêle étoile — les combinaisons chimiques. Si, moyennant un microscope assez fort, nous pouvions percevoir l’intérieur d’une molécule, combien l’enchevêtrement prodigieux des mouvements elliptiques ou circulaires qui