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E. CHARTIER.COMMENTAIRE AUX FRAGMENTS DE J. LAGNEAU.

moyen du toucher actif, du toucher qui s’exerce par des mouvements et surtout par des mouvements de la main. Cet organe est construit de façon à permettre une grande mobilité dans le contact. De plus nous pouvons opposer l’un à l’autre deux contacts, toucher l’objet en même temps de deux côtés opposés. Il semble que le toucher double révèle immédiatement l’épaisseur des corps, c’est-à-dire leur réalité ; mais il ne faut pas croire que cette connaissance résulte simplement d’une sensation. Elle suppose, pour être obtenue, une action musculaire volontaire. Même les sensations résultant du mouvement de la main qui cherche à réunir ses parties à travers l’objet ne suffirait point à nous révéler l’existence de l’objet qui résiste. Il faut que nous concevions quelque chose au delà de ce que nous touchons et de ce qui nous résiste. Nous ne pouvons percevoir un objet comme ayant une dimension intérieure qu’en concevant la réalité de l’objet. La troisième dimension n’est pas sentie, mais perçue, et cette perception suppose la conception de l’unité de l’objet.

De même la perception de la surface ne peut pas résulter, du simple contact. Un contact multiple ne signifie pas une surface composée d’un certain nombre de points en dehors les uns des autres. Les mouvements qui nous font passer par différents points, associés à des perceptions du toucher, ne sauraient engendrer la surface. Nous ne pouvons percevoir dans tous ses détails une surface ; nous devons donc concevoir que les dimensions que nous ne mesurons pas existent, sont actuellement déterminées. Nous ne percevons donc pas la surface ; nous la concevons.

Les sensations proprement dites du toucher sont celles de tact et de température.

La sensation de tact est celle que nous éprouvons quand nous touchons un objet sans le presser. C’est la culture du pouvoir de distinguer les différentes sensations de tact qui constitue la culture du toucher. La sensation de pression se produit quand les parties profondes de la peau sont comprimées : subir des pressions c’est ne plus pouvoir toucher.

La sensation de température est, de toutes les sensations du toucher, celle qui est le plus purement affective, celle qui ressemble le moins à une perception. Nous l’éprouvons à l’intérieur de notre corps ; elle est plutôt une sensation vitale qu’une sensation représentative. Pourtant elle est étroitement unie à la sensation de pression un corps froid nous paraît plus lourd qu’un corps chaud. Ainsi