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E. CHARTIER.COMMENTAIRE AUX FRAGMENTS DE J. LAGNEAU.

Le caractère même de ces sons change. Le sentiment qui résulte des différentes manières dont les sons remplissent le temps c’est le sentiment du rythme. Ce sentiment irréductible à autre chose que lui-même suppose une perception du temps.

Si nous considérons les sons en eux-mêmes indépendamment de leur distribution dans le temps, leurs propriétés sont au nombre de trois l’acuité, l’intensité et le timbre. Ce sont là des qualités sensibles, tandis qu’au contraire le rythme est un sentiment qui résulte d’une perception proprement dite et qui suppose une activité de l’esprit sinon consciente, au moins susceptible de le devenir.

Le son se distingue du bruit en ce qu’il suppose une sensation nette et distincte. Le bruit est un composé de sons indistincts et qui ne sont pas entre eux dans des rapports perceptibles. Le son est l’élément du bruit comme il est l’élément de la perception musicale. Suivant que plusieurs sons sont ou ne sont pas rapprochés de façon que leurs rapports simples puissent apparaître, il y a ou il n’y a pas perception musicale.

Les sons sont essentiellement simples en ce sens qu’ils doivent pouvoir être identifiés à eux-mêmes. Un son qui cesse de se ressembler n’est plus le même son. Si ce changement se fait insensiblement, sans passer à des sons qui soient avec le premier dans des rapports simples, on n’a plus affaire à un son, mais à un bruit confus.

Ce par quoi un son est lui-même, c’est son acuité ou sa hauteur, et il est impossible de définir sa hauteur en elle-même. Elle se distingue de l’intensité en ce que celle-ci est susceptible d’être mesurée directement par la distance à laquelle le son est parvenu ; tandis que la hauteur ne se prête pas à une mesure de ce genre.

Un son n’est pas toujours simple presque tous les sons sont composés de plusieurs autres, parmi lesquels l’un domine. On appelle timbre d’un son le caractère que ce son doit aux sons qui le composent, et qui sont avec lui dans des rapports simples. C’est le timbre qui permet de distinguer l’un de l’autre deux sons de même acuité produits par des substances différentes ou résultant de structures différentes. Le son élémentaire n’a pas de timbre, puisque le timbre résulte de l’acuité et de l’intensité des sons accessoires dont tout son est accompagné naturellement. La perception de timbre est donc composée. Toutefois il nous est impossible de retrouver de nous-mêmes, et à moins d’y être invités, les composants dans le composé. Comme ce n’est pas par un acte distinct de l’esprit que