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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

nous composons l’idée de timbre, il n’est peut-être pas juste de l’appeler perception ; en percevant le timbre, nous ne mesurons rien. De même nous ne devons pas appeler perception le sentiment de l’intensité. L’intensité et le timbre sont des sensations immédiates dans lesquelles nous ne pouvons remarquer de complexité qu’en nous servant de l’analyse extérieure. Il y a là quelque chose d’ultime pour la conscience.

Mais les sensations de son n’existeraient point telles que nous les connaissons si elles n’étaient liées à des perceptions véritables. Entendre un son n’est pas la même chose que lui attribuer une acuité et une intensité déterminées. La véritable perception de son suppose que ce son est entendu avec d’autres ou après d’autres. La perception de l’acuité d’un son n’a lieu véritablement que lorsque ce son est rapporté par l’esprit à un ou plusieurs autres sons. Percevoir un son au point de vue de l’acuité c’est le percevoir comme plus ou moins aigu qu’un autre. Quand nous apercevons une couleur, il n’est pas nécessaire que nous la rangions dans la série des couleurs. Au contraire la perception de l’acuité est une perception de degré. Tandis qu’il y a entre les couleurs une diversité absolue de qualité, nous introduisons immédiatement une idée de grandeur relative dans les sons qui nous affectent. Le rouge ne nous parait pas du vert suraigu la perception des sons est au contraire comparative ; c’est une perception de rapports. Nous ne pouvons nous faire une idée de ce que serait la pure sensation de l’acuité d’un son. L’acuité des sons est véritablement perçue, et il est plus exact, au fond, de parler des perceptions de son que des sensations de son.

Mais ce caractère de perception apparaît plus encore dans le son si nous y considérons la durée qui lui est propre. Tout son coïncide dans son commencement avec certains phénomènes perçus, et dans sa terminaison avec certains autres. Or le temps se détermine par des coïncidences : l’instant est la coïncidence d’un certain nombre de phénomènes. Un son a donc une durée, qui est déterminable, mesurable. Nous ne concevons pas le son tout entier si nous faisons abstraction du temps qu’il dure ; il n’est pas instantané. Il n’y a aucun rapport entre le temps que dure une sensation d’odeur ou de saveur et la nature de cette sensation. Au contraire la durée est un élément intégrant de la perception d’un son. Pour que nous percevions cette durée il faut que nous remarquions une coïncidence avec des phénomènes extérieurs ou avec d’autres sons. De toutes les cir-