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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

pensée, la psychologie a pour objet d’expliquer, c’est-à-dire de faire passer de l’implicite à l’explicite, cette dépendance nécessaire de toute pensée par rapport à toutes les autres. Le fait choisi pourra être à volonté un fait de perception : la perception de cet encrier, de cette montré, un fait de mémoire, un jugement pur et simple, comme par exemple ce cahier est bleu, ou un fait de pensée plus consciente et plus méthodique, comme une démonstration mathématique, une déduction métaphysique. Tous ces faits sont équivalents pour l’analyse réflexive, car on y trouvera toujours comme condition les mêmes idées, les mêmes principes, et, comme condition dernière de ces idées et de ces principes, la Pensée, identique et une. Aussi la psychologie ne se présente-t-elle pas comme une science ayant des parties nécessaires, mais comme une méthode qui s’applique indifféremment à tout objet. D’ailleurs, plus le fait de pensée choisi sera instinctif et par suite plus il sera simple en apparence, plus l’analyse en sera instructive, et c’est pourquoi la psychologie réflexive de Lagneau pouvait, sans rester le moins du monde incomplète, consister principalement dans une théorie de la perception.

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On trouve ici affirmé, contre l’idée traditionnelle de la psychologie, que la distinction de l’objet et du sujet n’est pas donnée comme un fait ; les choses n’étant connues que par la pensée et en elle, il n’y a point deux choses, l’objet connu et la pensée qui le connaît, mais seulement le fait de la connaissance, c’est-à-dire l’objet connu, le monde. Il faut analyser les objets pour y découvrir la pensée comme condition non seulement de leur être en général, mais, encore de leurs manières d’être déterminées. Tout ce qui est connu dans l’objet, grandeur, forme, qualités sensibles, suppose des comparaisons, des identifications et des distinctions, c’est-à-dire des jugements implicites ; la pensée seule peut introduire dans la diversité changeante l’unité, la mesure, la détermination : toute perception est un choix. Le donné, l’objet, la nécessité extérieure sur laquelle la pensée travaille, ne peut être atteint : il ne peut être que supposé comme un point de départ abstrait ou une condition purement négative. C’est seulement lorsqu’elle comprend cela que la pensée prend conscience d’elle-même, conçoit les choses comme des idées et les idées comme son œuvre. Lagneau disait : « Jamais l’action ne peut être sentie purement et simplement, en dehors