Page:Revue de métaphysique et de morale, 1898.djvu/559

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
554
REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Mais l’idée de l’étendue n’est autre chose que l’idée d’objet ; car, de même que l’objet est unique, l’étendue est nécessairement conçue comme unique, et n’est rien de plus que la représentation d’objets possibles et il résulte de ce que nous venons de dire que l’idée d’objet est l’idée d’une loi nécessaire suivant laquelle des sensations d’un de nos sens sont liées à des sensations de tous les autres.

Cette loi est d’ailleurs évidemment indépendante de la nature de l’objet considéré, et ne dépend absolument que du lieu qu’il occupe par rapport à nous ; en effet, ce que nous nous représentons par l’idée d’objet unique, ce ne sont point telles ou telles propriétés de l’objet, mais seulement une relation entre nos mouvements et la connaissance de ces propriétés. L’idée d’objet ne diffère donc point de l’idée même de position, et une position déterminée est ce à quoi se ramène l’idée nécessaire d’un objet conçu comme réel. D’où l’idée d’un système de positions représentant d’avance, pour un objet quelconque, une loi unissant entre elles les différentes images de cet objet.

On peut, à ce point de vue, comprendre les propriétés de l’espace des géomètres, conception abstraite, naturelle et nécessaire, comme on vient de le voir, de l’étendue, lieu des objets réels. L’unité de l’espace résulte de l’affirmation de la pensée qui, cherchant la loi de ses sensations en rapport avec ses mouvements, s’arrête par nature et nécessairement à la plus simple. L’homogénéité de l’espace exprime l’indépendance de la loi représentée par une position ou un lieu, par rapport aux objets différents qui peuvent l’occuper. L’infinité de l’espace exprime qu’un lieu n’est jamais déterminé que relativement à notre mouvement, c’est-à-dire à notre corps, et qu’ainsi toute position est transportable partout. Le point exprime que le lieu ne dépend absolument que de la loi suivant laquelle on peut l’atteindre, et n’est rien en dehors de cette loi. La droite exprime que chaque lieu n’est déterminé que par rapport à l’acte par lequel nous pouvons l’atteindre, et nullement par rapport aux objets quelconques qui occupent ce lieu-là et d’autres (V. comment. 43).

Deux remarques doivent compléter un commentaire qui n’a d’autre ambition que de détourner les esprits d’un empirisme outrecuidant et naïf, et de les ramener, s’ils en sont capables, aux recherches métaphysiques fondées sur l’analyse des données concrètes.

En premier lieu, ce que nous avons dit des cinq images d’un