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E. CHARTIER.COMMENTAIRE AUX FRAGMENTS DE J. LAGNEAU.

d’une adaptation qui modifie leurs parties, la trace de toutes les actions qu’ils font ou subissent. Si l’on se place au point de vue de la connaissance, il n’y a rien autre chose que des images construites par une pensée, parmi lesquelles il y en a une qui est sensible, docile, toujours présente, et que l’être pensant appelle : moi. On ne gagne donc rien à vouloir expliquer l’apparition de ces images par les propriétés d’une d’entre elles. L’Imagination, fonction, de la Pensée, n’apparaît comme telle que si l’on comprend ses conditions nécessaires, c’est-à-dire que si l’on comprend comment de simples modifications subies conduisent la Pensée à se représenter les corps et son corps, c’est-à-dire la forme, le lieu et le changement de lieu, c’est-à-dire encore l’étendue et le mouvement[1].

CONCLUSION

Il convient d’insister, en terminant ce travail, sur trois idées dont on peut dire qu’elles sont les idées directrices de toute métaphysique, et sur lesquelles l’attention du lecteur ne saurait trop longtemps s’arrêter.

La première c’est l’idée même de la vérité. La vérité, c’est ce sur quoi les esprits doivent s’accorder, ce que nul esprit ne peut refuser d’admettre, ce qui s’impose à tout esprit : Vérité est Nécessité. Je ne conçois point une idée comme vraie tant que sa négation me parait possible, et tant que je n’aperçois pas un moyen assuré de la faire accepter comme vraie par un autre esprit. Or, ce qu’il faut comprendre, c’est que la constatation d’un fait ne peut ni produire ni fortifier, et, par conséquent, ni détruire ni atteindre d’une façon quelconque une vérité. Les preuves en sont innombrables, et la plupart d’entre elles pourraient passer pour des lieux communs philosophiques, s’il y avait encore des lieux communs philosophiques. Sans s’arrêter à l’argument tiré des illusions des sens, si banal et pourtant si peu médité, et qui devrait nous mettre en garde contre toutes les prétendues preuves expérimentales, il suffit de

  1. Un grand nombre de fragments, et non des moins importants, n’ont pas été commentés, soit parce qu’il a paru impossible d’en déterminer exactement le sens, soit parce qu’ils se suffisent à eux-mêmes, soit parce qu’ils se trouvaient déjà suffisamment expliqués par le commentaire d’un fragment antérieur. C’est ainsi que les fragments 80 et 81 se trouvent expliqués par le commentaire du fragment 25.