Page:Revue de métaphysique et de morale, année 16, numéro 6, 1908.djvu/103

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comme sujet d'un attribut, qu'elle est uniquement conçue d'après ce que la nature de l'attribut suppose, on risque de mal comprendre et d'accuser de sophisme trop évident le théorème fameux : « In rerum natura non possunt dari duae aut plures substantiae ejusdem naturae sive attributi. » (Eth., I, prop. V.) Pourquoi, est-on en effet porté à se demander, ne pourrait-il pas y avoir deux ou plusieurs substances distinctes constituées par des attributs partie identiques, partie différents ? C'est qu'en vérité Spinoza ici ne caractérise la substance que par l'attribut ; c'est, si l'on aime mieux, qu'il raisonne sur l'idée d'attributs substantifiés chacun à partir de soi, laissant sans doute logiquement indéterminée la question de savoir si une même substance ne pourrait pas être le sujet d'attributs divers, mais n'affirmant de la substance, au moins pour le moment, que ce que l'attribut exige qu'on en affirme et concluant de là qu'un même attribut ne peut pas constituer plusieurs substances. En effet, dans la démonstration du théorème, il observe que si l'on cherche le fondement de la distinction des substances là où l'on doit tout d'abord le chercher, c'est-à-dire dans la diversité de leurs attributs, on accorde du même coup qu'il ne peut y avoir qu'une substance d'un même attribut : « Si tantum ex diversitate attributorum, concedetur ergo, non dari nisi unam ejusdem attributi. » Conclusion qui, dans sa rapidité, n'est soutenable évidemment que si l'on suppose pour tout attribut une seule substance. Au fait, selon Spinoza, l'attribut est une essence singulière qui ne comporte qu'un sujet, non une notion universelle qui se répéterait ou se partagerait en une pluralité de sujets : par quoi s'explique la portée de sa démonstration. Mais si pour un même attribut il ne peut y avoir plus [786]