Page:Revue de métaphysique et de morale, année 16, numéro 6, 1908.djvu/167

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sur la foi des savants.

On pourrait, à la vérité, objecter que tel animal rare, comme par exemple l'okapi, n’a été vu jusqu’à ce jour que par un petit nombre de personnes privilégiées; mais le cas est très différent au fond. Pour s’en convaincre, il suffit d’avoir observé un homme à qui, pour la première fois, on montre sous le microscope le monde grouillant d’une goutte d’eau putride; évidemment, dès que son oeil est dégagé du microscope, il conçoit des doutes sur la réalité de l’image qu’il vient de percevoir; il se demande si c’est la même gouttelette qu’il voit à présent à l’oeil nu dénuée de toute apparence de vie organisée et s’il n’y a pas eu supercherie ou erreur du fait de l’instrument. On sait d’ailleurs que ces doutes ont été partagés, au début des études microscopiques ou télescopiques, par bien des esprits éminents; Comte encore, a cru devoir prémunir les biologistes contre le «crédit exagéré» qu’on attribue aux résultats acquis par un «moyen d’investigation aussi équivoque» que le microscope.

Mais on peut, par une voie plus directe et partant, plus concluante, montrer qu’en effet la réalité pour les objets de deux sortes, ceux vus à l’oeil nu et ceux aperçus sous le microscope, n ’e s t pas e n tiè rem e n t du même ordre. On connaît la théorie de la «primauté du toucher» qui est celle de Berkeley et qui à l’heure actuelle est professée par un grand nombre de philosophes très autorisés. Elle suppose que nos impressions visuelles ne sont que des signes que nous traduisons, par suite d’associations d’idées instantanées, en des images tactiles. Nous avons exposé autre part (Identité et réalité p. 278), les raisons pour lesquelles cette théorie ne nous semble pas devoir être admise.

Mais il ne nous paraît pas niable qu’en tout ce qui concerne l’espace et l’occupation de l’espace, le sens tactile, ses sensations et leur souvenir jouent un rôle éminent. La vraie réalité est tangible. Or, il ne peut être question de toucher un microbe; sa taille est beaucoup trop réduite pour que ses formes puissent faire impression sur les terminaisons de nos nerfs tactiles. Quand nous pensons à cet organisme et à l’espace qu’il occupe, nous nous figurons en quelque sorte, comme sujet de la sensation, un être minuscule, mais doué de sens analogues aux nôtres: c’est à cet être que le microbe paraîtrait réellement comme occupant un espace, c’est pour lui qu’il serait réel au même degré que le sont pour nous nos animaux.

Mais peut être verrons-nous mieux encore la nature des objets de cette catégorie, en nous adressant à certains d’entre ceux que nous