Page:Revue de métaphysique et de morale, année 16, numéro 6, 1908.djvu/173

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par exemple en tout ce qui concerne la grandeur spatiale, mais elle ne va pas au delà. Ainsi la chaleur est traitée en concept véritablement qualitatif; et l ’on voit dès lors nettement, par la stérilité des essais tentés, à quel point cette voie est impraticable. Aristote est obligé d’introduire à côté du chaud le concept du froid, — les deux sensations étant, en effet, foncièrement différentes — et malgré cela ni lui, ni ses successeurs ne peuvent parvenir au concept bien net d’une gradation de la chaleur, concept qui nous paraît à l’heure actuelle d’une grande simplicité et qui est certainement indispensable pour établir une liaison entre ce que nous appelons actuellement les phénomènes caloriques. On y parvient plus tard, en substituant au chaud et au froid d’Aristote un concept unique, le calorique. Si l’on oppose la théorie de Black à nos idées actuelles sur la chaleur comme mouvement, elle apparaît encore comme jusqu’à un certain point qualitative, puisqu’elle admet un principe porteur d’une qualité. Mais si on la compare à l’hypothèse aristotélicienne, elle se présente comme un progrès vers la quantité. En effet, le fluide calorique, dont la présence ou l’absence peuvent faire naître en nous au moins trois sensations complètement différentes: froid, chaud, brûlure, s’écarte beaucoup plus de la sensation directe que ne le faisait la doctrine du Stagirite. Il est à remarquer que le souci seul d’étendre les rapports entre les phénomènes qui est, selon Comte, le propre mobile de la recherche scientifique, suffit pour expliquer cette évolution ; observons cependant que la voie que nous suivons ainsi s’éloigne de plus en plus de la qualité : c’est là une simple conséquence de cet accord entre la conception substantialiste et la sensation, dont nous avons parlé tout à l’heure. Cet accord, évidemment, ne peut-être que partiel; cependant il dépasse les limites du Sens commun et se manifeste avec beaucoup de force dans la science. — Il convient également dé constater, à ce point de vue, qu’à aucun moment, au cours de cette évolution, la science n’abandonne la supposition d’une substance réelle, extérieure à notre sensation. Au contraire elle l’intensifie pour ainsi dire.

Ainsi le vague qu’avaient gardé les concepts de chaud et de froid chez les péripatéticiens disparaît dans la théorie de Black: le calorique est une vraie substance corporelle, un fluide. Et quand on abandonne ce concept, c’est au profit de l’énergie, laquelle sans doute n’est plus un corps, mais par contre possède au suprême degré la propriété caractéristique des substances, la perdurabilité, et de ce chef devient, chez certains