Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 2, 1908.djvu/18

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On sait que la question de l’immortalité est aujourd’hui au premier plan dans les préoccupations des penseurs l’Angleterre et d’Amérique ; elle a suscité, en ces deux pays, nombre de travaux psychologiques. Le Hibbert Journal annonce une série d’articles sur ce sujet, dont un du prof. Eucken d’Iéna. M. Royce, de l’Université Harvard (Immortalité, juillet), s’accorde avec Münsterberg pour placer la critique de l’idée de temps à la base de toute étude de l’immortalité. Le temps est la forme de la volonté ; les distinctions de temps sont relatives à des actes et à des valeurs. Suit-il de là, comme le croit Münsterberg, qu’une pensée suprême – Dieu – verrait le monde comme un totum simul, comme un ensemble de relations non de temps, mais de valeurs ? Non. Dieu voit un présent plein, qui n’est pas un tout intemporel, mais une séquence infinie. Et, en effet, le fond de la personnalité c’est la morale, c’est la dissatisfaction active d’un être à qui le présent ne suffit pas, qui a besoin de l’avenir pour réaliser son vouloir. Dans la mesure où je suis une expression individuelle de la dissatisfaction divine qui constitue l’ordre temporel, et parce que, d’autre part, la satisfaction divine ne peut être atteinte que par les actes d’un individu, ma vie personnelle doit être une série sans fin d’actes. — Sir Oliver Lodge met en tête de son premier article sur l’Immortalité de l’âme (janvier) cet « apologue » de M. Mac Taggart : « Lorsque je suis enfermé dans ma chambre, la transparence des vitres est nécessaire pour que je voie le ciel. Si je sors, dira-t-on que je ne pourrai voir le ciel parce qu’il n’y a plus de vitre entre le ciel et moi ? » L’homme tout entier n’est pas immortel. La question qui se pose est de savoir si l’âme est immortelle : et l’âme apparaît comme le lien entre l’ « esprit » et la « matière ». Sir Oliver Lodge dégage la vérité profonde, pour le savant et pour la philosophie, de la croyance chrétienne à la résurrection des corps.

On rapprochera, enfin, des déclarations du P. Tyrrell au sujet de la transcendance et de l’immanence, un intéressant article du Prof. Henry Jones, de Manchester College Oxford (collège fondé par des Unitariens), sur l’Immanence divine (juillet). L’Église, dit M. Jones, doit, sans renoncer à son autorité ni à l’unité qui est sa raison d’être, reconnaître et adopter franchement les intuitions nouvelles de notre âge : l’Évolution, qui place la « fin » au commencement des choses, et l’Immanence. Ce sont là, d’ailleurs, des hypothèses qui se cherchent, et qui demandent à être éprouvées, assouplies. Ni le panthéisme, ni le pluralisme, ne donnent la solution de la difficulté : l’une nie la matière, le fini, et obscurcit le sens de la moralité ; l’autre, en limitant Dieu, le supprime. Ce que réclame la conscience religieuse, c’est une doctrine qui maintienne la réalité du mal, et de la liberté de chois, d’une manière qui soit compatible à la fois avec l’Immanence divine et avec la Perfection divine. L’Immanence et la Transcendance doivent être maintenues l’une et l’autre : il faut que, rejetant la logique d’exclusion, le philosophe prenne la religion comme un fait, qu’il parte de cette expérience fondée, à la fois, sur la différence — puisqu’elle est communion spirituelle, — et sur l’unité, des personnes morales. Une fine et profonde analyse de l’œuvre d’art, de l’action sociale, vient illustrer cette vue centrale : « C’est parce que Dieu habite dans le monde qu’il le transcende. »

Retour de la pensée philosophique au concret, qui doit servir de pierre de touche à nos théories, — réintégration des problèmes religieux dans l’Église, dans la tradition, qui sont un élément de la solution, et qu’il est vain de nier, tels sont les deux traits communs à tous ces penseurs anglais et américains, de formation si différente, et dont beaucoup sont indépendants.

Tijdschrift voor Wisbegeerte. 1re année, 1907.

N° 1. — Un mouvement philosophique en Hollande, par le Dr Bierens de Haan. — La revue nouvelle répond à un besoin présentement ressenti en Hollande ; le mouvement littéraire de 1880, remarquable par l’importance donnée à la langue, affranchi d’ailleurs de tout caractère confessionnel, devait logiquement conduire à une façon nouvelle d’envisager la philosophie : à savoir comme un art intellectuel. L’idéalisme allemand est à bien des égards le modèle à suivre. — L’idéalisme transcendantal, leçon d’ouverture des cours professés par le Dr Kohnstamm à l’Université d’Amsterdam. — Philosophie de la nature et Atomistique, par M. I. Clay. Les théories atomistes sont par force et par nécessité un cas particulier de l’application, à ce que nous pouvions percevoir de la nature, des concepts universels de la logique. — Le procès vital primitif, par le Dr Rethy, conférence faite le 17 janvier 1907 à la Société néerlandaise pour l’avancement de la médecine (section de La Haye). Les forces inorganiques sont des conditions sans lesquelles la vie ne serait pas, mais elle ne naît pas de ces forces ; la vie est une manifestation irréductible de la puissance productrice de la nature. Elle est