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La mission sacrée que Swedenborg croit lui être confiée, après ses deux apparitions de Londres, c’est de dévoiler aux hommes le sens spirituel des Écritures. Ce sens interne, ce sens profond et caché, nous le trouvons dans sa doctrine de la foi et dans sa doctrine de la vie. La foi n’est ni l’acceptation formelle d’une autorité extérieure, ni la confiance que Jésus nous a rachetés d’une façon mystérieuse par sa substitution et sa mort expiatoire. C’est l’intuition de la vérité révélée par lui la connaissance et la pratique de la charité, l’amour de Dieu et du prochain, Dieu étant le prochain au degré le plus éminent et chacun étant le prochain dans le degré où il est le plus proche du Seigneur; le prochain comportant d’ailleurs des degrés ascendants et s’appliquant non seulement à l’homme individuel, mais aux sociétés (les sociétés occupant dans la hiérarchie des degrés plus hauts que l’individu,des degrés d’autant plus élevés qu’elles sont conformes au royaume de Dieu Patrie., Eglise. Royaume du Seigneur). La charité s’élève selon ces degrés.

Swedenborg apporte aussi une doctrine de la vie. Il fait rentrer la morale dans la dogmatique; et l’essentiel de cette doctrine consiste nu fond dans une régénération, dans une transformation de

l’homme naturel en homme spirituel et céleste, dans la réforme moins de nos actes que de notre intuition. Agir et n’agir que par charité, que par amour de Dieu et du prochain, voila le secret de la vie vraiment chrétienne. Et cette vie de charité, d’oubli de soi, de sacritice, s’oppose à la vie d’égoïsme qui est la vie selon la nature. Dépouiller l’homme naturel le vieil homme », tel est le but de la vie chrétienne; la morale qu’elle prêche n’est pas une morale ascétique, une morale toute contemplative, c’est une morale d’action et de perfectionnement. Une doctrine de la vie, une doctrine de la foi, une doctrine de l’Ecriture, est-ce tout ce qu’enseigne Swedenborg? Pas encore, Il enseigne une doctrine du Seigneur, et cette doctrine est originale. C’est être, croit-il, fidèle à l’esprit même du Christianisme que de combattre le dogme de la Trinité tel que l’ont institué les conciles île Nicée et de Constantinople, tel que le formule le Symbole Quicumque. Swedenborg attaque donc ce qu’il appelle le trithéisme il montre qu’admettre la Trinité, c’est, au fond, croire à trois dieux sans l’oser dire, et, s’appuyant sur les textes des Ecritures «ont il prétend dévoiler le sens « spirituel >̃, il cherche une interprétation rationnelle de la religion du Christ, une interprétation qui se fonde non sur l’autorité, sur la foi aveugle, mais sur le libre examen. Et il trouve alors que l’Ancien Testament enseigne catégoriquement l’unité de Dieu, que le Christ a confirmé le Monothéisme quand il a dit: «Pourquoi m’appelles-tu bon Nul n’est bon sauf le Dieu unique.et il s’efforce d’établir que la prétendue Trinité de l’Église se résout en somme à une Trine d’Essentiels », à une triplicilé d’attributs hiérarchisés en degrés, l’Amour, la Sagesse, la Puissance correspondant au

Saint-Esprit, au Fils, au Pore. Cette hiérarchie (le degrés au sein de la divinité, cette trine se rattache étroiment à une théorie philosophique de Swedenborg, la théorie des degrés discrets ou degrés de hauteur, qui se retrouve à travers toute sa doctrine, ou plutôt qui la fonde. Dans tout être, toute chose, toute action, il existe trois degrés de ce genre, .toujours les mêmes, car il n’y en a pas d’autres. Et sur cette trine ou triade. Swedenborg édifie une sorte de table des catégories dont les deux premières 1° le divin même, le divin humain, le divin procédant; 2° le Père; le Logos, le Fils; le Saint-Esprit, le Paraclet, s’appliquent à Dieu: les dr us dernières (iTàme, le corps, l’action; 2" la charité, la foi, les bonnes reuvres) s’appliquent à l’homme seulement les autres (la fin, la cause, l’effet; l’être, le devenir, l’exister: l’intime, l’intérieur, l’extérieur; le premier, le moyen, le dernier: l’amour, la sagesse, la puissance la volonté, l’entendement, l’opération l’affection, la pensée, l’usage; le bien, le vrai, la vie) s’appliquent également à l’homme et à Dieu.

L’ouvrage dont on vient de rendre compte est intéressant par la grande personnalité de celui qu’il s’efforce de glorifier et par t’enthousiasme qu’il professe pour Swedenborg. C’est l’ouvrage d’un apologiste et d’un croyant qui, à l’aide de la doctrine de Swedenborg, expose sa propre foi et cherche à la faire partager. Ce n’est à aucun degré l’ouvrage d’un historien et d’un critique. On peut le regretter, car l’œuvre de Swedenborg méritait mieux que cette glorification un peu naïve :,elle valait une étu’de vraiment philosophique et désintéressée, une étude où l’on eut cherché à expliquer la ̃̃ Trine » qui caractérise la physionomie de Swedenborg un savant, un voyant, un théologien rationaliste.

Die Logik als Aufgabe, par le D’ Hans Driesch, A. 0. Professor der Philosophie an der Universitât Heidelberg, Tûbingen, Mohr, 1913. Depuis Augustin et Des-