Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/286

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objet et sa fin dans l’esprit seul. Et c’est une illusion complète que de parler d’une connaissance qui serait par essence une sorte de réflexion des choses « externes » dans l’esprit, comme dans un miroir. Nous ne connaissons, répétons-le, et ne pouvons connaître que nous-mêmes, et cela par la conscience : les choses qu’elle nous apprend ne sont rien de plus que les propres états, modifications et actes de toute espèce, de ce que nous appelons l’esprit ou le moi.

Telle est, croyons-nous, la conclusion à laquelle mène un examen sincère de ce que l’homme appelle connaissance objective. Au début de ce chapitre, une question se posait à nous en ces termes : si la connaissance proprement dite du représentatif comme tel n’a aucun rapport avec la réalité, le désir de la connaissance objective, qu’est-il ? Nous avons reconnu que lui aussi reste étranger à toute recherche de la réalité en tant que telle. Abordant alors l’examen de la connaissance « objective » en elle-même et admettant provisoirement le sens qu’on y attache comme le sens réel, nous avons conclu qu’elle ne porte aucunement sur une réalité objective, mais qu’elle se réduit purement et simplement à la connaissance des représentations comme telles et de leurs rapports. Cette réduction nous permet de juger de sa valeur : dans le premier chapitre nous avons essayé de montrer ce qu’est une telle connaissance : nous avons conclu qu’elle est l’illusion. La connaissance dite objective est donc, si l’on peut dire, une illusion au second degré, l’illusion d’une illusion.

Toutefois cette dernière conclusion ne doit pas conduire à rejeter radicalement la science. Si l’on a bien compris les développements

    nomènes psychologiques qui y entrent comme termes, cette loi serait donc fausse » (p. 29). Or ce raisonnement ne nous semble en rien prouver ce que l’auteur avance. Au contraire, les phénomènes psychologiques dont elle énonce le rapport sont, en tant que tels, nécessairement liés parce que évidemment, dans la loi exprimée en termes psychologiques (si j’ai la sensation d’une eau à 100° j’aurai la sensation d’ébullition), on sous-entend cette proposition : « les conditions restant les mêmes de l’instant pénultième à l’instant final ». Cette proposition est sous-entendue même dans la loi considérée comme physique, car elle signifie : « L’eau portée à 100° entre, si les conditions restent les mêmes, en ébullition ». — Sinon, qu’est-ce qui m’empêcherait de soutenir, à propos de la loi considérée comme physique, la même affirmation que M. Rabier soutient à propos de cette loi exprimée en termes psychologiques, à savoir, que, là non plus, les phénomènes physiques, dont elle énonce le rapport, ne sont pas, en tant que tels, rigoureusement liés : il n’y a, pourrais-je dire, au moment où la température de l’eau est sur le point d’atteindre 100°, qu’à la renverser ou à y jeter un corps froid, etc., pour que l’ébullition ne se produise pas. — Il ne nous reste qu’à conclure que la loi n’est pas seulement « la traduction ou l’expression en termes psychologiques d’une loi physique » (Rabier, p. 29), mais qu’elle est simplement une loi psychologique.